Summary report, 11–15 October 2021
UN Biodiversity Conference Part I
La Conférence des Nations Unies sur la biodiversité, initialement prévue en 2020 mais reportée en raison de la pandémie de COVID-19, n’est pas juste une nouvelle conférence environnementale internationale. La biodiversité connaît un déclin vertigineux et sans précédent, et les moteurs de ce déclin ne semblent pas ralentir. L’humanité se trouve face à un choix. La biodiversité et les services écosystémiques rendus par la nature sont essentiels à la survie et au bien-être humains. L’appauvrissement de la biodiversité et la dégradation des écosystèmes, s’ils ne sont pas arrêtés, auront de profondes conséquences sur les sociétés humaines et mettront en danger l’existence même des générations futures.
La tâche dévolue à cette Conférence des Nations Unies sur la biodiversité consiste à définir la marche à suivre pour assurer la durabilité de notre avenir, en systématisant les actions requises pour générer des changements transformationnels afin de refonder une relation harmonieuse entre les peuples et la nature. Il y a des exemples de progrès partout dans le monde, diverses initiatives vont dans le bon sens et des options novatrices sont disponibles pour stopper et inverser la perte de biodiversité. Il est possible que l’élaboration et l’adoption du Cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020 (CMB) soit ce chemin tant espéré.
La première partie de la Conférence des Nations Unies sur la biodiversité s’est déroulée au format virtuel du 11 au 15 octobre 2021, avec un nombre limité de délégués présents sur place, à Kunming, en Chine. La Conférence comprenait la 15e réunion de la Conférence des Parties (CdP 15) à la Convention sur la diversité biologique (CDB), la 10e réunion de la CdP siégeant en tant que Réunion des Parties au Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques (PC CdP/RdP 10), et la 4e réunion de la Conférence des Parties siégeant en tant que Réunion des Parties au Protocole de Nagoya sur l’accès et le partage des avantages (PN CdP/RdP 4). Le thème de la réunion est : « Une civilisation écologique : construire un avenir de partage pour tous sur la Terre ». Le rendez-vous a rassemblé plus de 1500 présents sur place et plus 3000 participants en ligne.
À retenir parmi les temps forts de la réunion :
- L’adoption de la Déclaration de Kunming, qui appelle à un action urgente et intégrée visant la prise en compte de considérations relatives à la biodiversité dans tous les secteurs de l’économie mondiale ;
- Un segment de haut niveau sur deux jours, qui a mis en évidence un sentiment d’urgence renouvelé et une nouvelle volonté d’engagement parmi les Chefs d’État et de gouvernement, ministres de l’environnement et autres hauts responsables ;
- Des engagements annoncés par des Parties et des organisations, orientés à intensifier les efforts de conservation de la biodiversité ; et
- Une implication accrue du secteur privé, comme il ressort notamment d’une lettre ouverte de plusieurs PDG de grandes entreprises adressée aux leaders du monde les exhortant à prendre des mesures drastiques.
Les Parties ont par ailleurs :
- Approuvé le budget provisoire de la CDB et de ses protocoles pour 2022, permettant ainsi la poursuite ininterrompue des travaux en cours ;
- Reçu les rapports des Présidents des organes subsidiaires concernant leurs dernières réunions, ainsi que ceux des Présidents des Comités chargés du respect des dispositions des protocoles ; et
- Traité quelques questions de procédure.
La deuxième partie de la Conférence doit se tenir en présentiel à Kunming, en Chine, du 28 avril au 8 mai 2022. Les réunions des organes subsidiaires de la CDB et du Groupe de travail sur le CMB se dérouleront, également en présentiel, à Genève, en Suisse, du 12 au 28 janvier 2022.
Bref historique de la Convention sur la diversité biologique
La CDB a été adoptée le 22 mai 1992 et ouverte à signature le 5 juin 1992 à la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement (le « Sommet de la Terre » tenu à Rio). La CDB est entrée en vigueur le 29 décembre 1993. On compte actuellement 196 Parties à cette Convention qui vise à promouvoir la conservation de la biodiversité, l’utilisation durable de ses composantes et le partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques. La Conférence des Parties (CdP) est l’organe directeur de la Convention et on compte actuellement quatre organes qui se réunissent entre les sessions, à savoir: l’Organe subsidiaire chargé de fournir des avis scientifiques, techniques et technologiques (SBSTTA), l’Organe subsidiaire chargé de la mise en œuvre (SBI), le Groupe de travail sur l’Article 8(j) et les dispositions connexes ; et le Groupe de travail à composition non limitée sur le CMB. La CdP siège également en tant que Réunion des Parties (RdP) aux protocoles de la Convention.
Tournants majeurs
Trois protocoles ont été adoptés dans le cadre de la Convention. Le Protocole de Cartagena (PC) sur la prévention des risques biotechnologiques (janvier 2000) porte sur le transfert, la manipulation et l’utilisation en toute sécurité des organismes vivants modifiés (OVM) susceptibles d’avoir des effets néfastes sur la biodiversité, en tenant compte de la santé humaine, avec un accent particulier sur les mouvements transfrontières. Ce protocole est entré en vigueur le 11 septembre 2003 et compte actuellement 173 Parties. Le Protocole additionnel de Nagoya-Kuala Lumpur sur la responsabilité et la réparation, relatif au Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques (octobre 2010), prévoit des règles et des procédures internationales en matière de responsabilité et de réparation pour les dommages causés à la biodiversité par les OVM. Il est entré en vigueur le 5 mars 2018 et compte aujourd’hui 49 Parties. Le Protocole de Nagoya (PN) sur l’accès et le partage des avantages (octobre 2010) établit un cadre international pour le partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques, en facilitant notamment un accès approprié aux ressources génétiques et le transfert des technologies correspondantes, dans le respect de tous les droits sur ces ressources et technologies et au moyen d’un financement approprié, contribuant ainsi à la conservation de la biodiversité et à l’utilisation durable de ses composantes. Il est entré en vigueur le 12 octobre 2014 et compte actuellement 131 Parties.
À noter parmi les autres décisions majeures de ce processus:
- Le mandat de Jakarta sur la biodiversité marine et côtière (CdP 2, novembre 1995, Jakarta, Indonésie);
- Les programmes de travail sur la biodiversité agricole et forestière (CdP 3, novembre 1996, Buenos Aires, Argentine);
- L’Initiative taxonomique mondiale (CdP 4, mai 1998, Bratislava, Slovaquie);
- Les programmes de travail sur l’Article 8 (j), les terres arides et subhumides, et les mesures d’incitation (CdP 5, mai 2000, Nairobi, Kenya);
- Les Lignes directrices de Bonn sur l’accès et le partage des avantages et la Stratégie mondiale pour la conservation des plantes (CdP 6, avril 2002, La Haye, Pays-Bas);
- Les programmes de travail sur la biodiversité des montagnes, les aires protégées et le transfert de technologies, les Lignes directrices d’Akwé: Kon pour l’évaluation de l’impact culturel, environnemental et social, et les Principes et Lignes directrices d’Addis-Abeba pour une utilisation durable (CdP 7, février 2004, Kuala Lumpur, Malaisie);
- Un programme de travail sur la biodiversité insulaire (CdP 8, mars 2006, Curitiba, Brésil);
- Une stratégie de mobilisation des ressources, et les critères et orientations scientifiques pour les zones marines nécessitant une protection (CdP 9, mai 2008, Bonn, Allemagne);
- Le Plan stratégique pour la biodiversité 2011-2020, comprenant les Objectifs d’Aichi pour la biodiversité et une décision sur les activités et indicateurs pour la mise en œuvre de la stratégie de mobilisation des ressources (CdP 10, octobre 2010, Nagoya, Japon);
- Un objectif provisoire de doubler à l’horizon 2015 les flux de ressources financières internationales à destination des pays en développement pour la protection de la biodiversité, et de maintenir ce niveau de financement au moins jusqu’en 2020, associé à des cibles visant à améliorer la solidité des informations de base (CdP 11, octobre 2012, Hyderabad, Inde); et
- Un plan d’action relatif à l’utilisation coutumière durable de la biodiversité, et la «Feuille de route de Pyeongchang», un ensemble de décisions pour la mobilisation de ressources, le renforcement des capacités et la coopération scientifique et technique sur la relation entre biodiversité et éradication de la pauvreté, ainsi que le suivi de la mise en œuvre du Plan stratégique (CdP 12, octobre 2014, Pyeongchang, Corée du Sud).
Réunions récentes
La CdP 13 (décembre 2016, Cancún, Mexique) a abordé : des questions relatives au fonctionnement de la Convention, notamment l’intégration de la Convention et de ses Protocoles; les progrès accomplis dans la mise en œuvre du Plan stratégique et dans la réalisation des Objectifs d’Aichi, et les moyens de mise en œuvre connexes; les actions stratégiques visant à renforcer la mise en œuvre du Plan stratégique et la réalisation des Objectifs d’Aichi, y compris en ce qui concerne l’intégration de la biodiversité dans et entre les secteurs, en particulier dans l’agriculture, la pêche, le tourisme et la foresterie; et les liens entre la biodiversité et la santé humaine. La CdP 13 a également lancé l’examen d’une série de points sur les technologies émergentes, notamment la biologie synthétique, la manipulation génétique et l’information issue du séquençage numérique (ISN).
La CdP 14 (novembre 2018, Charm el-Cheikh, Égypte) a mis en place un Groupe de travail intersessions sur le Cadre mondial de la biodiversité (CMB) pour l’après-2020, et établi un processus intersessions comprenant un Groupe spécial d’experts techniques chargé de poursuivre les travaux sur l’ISN des ressources génétiques dans le cadre de la Convention et du Protocole de Nagoya. La CdP 14 a en outre adopté les directives volontaires de Rutzolijirisaxik pour le rapatriement des connaissances traditionnelles pertinentes pour la conservation et pour l’utilisation durable de la diversité biologique, ainsi que des lignes directrices et orientations volontaires sur : l’intégration des aires protégées et d’autres mesures de conservation par zone dans des ensembles paysagers terrestres et marins plus vastes; les modèles de gouvernance efficaces en matière de gestion d’aires protégées, y compris les modèles de participation au capital ; la conception et la mise en œuvre efficace d’approches axées sur les écosystèmes en matière d’adaptation aux changements climatiques et de réduction des risques de catastrophe; la durabilité dans le secteur de la viande sauvage; et les moyens d’éviter l’introduction involontaire d’espèces exotiques envahissantes associées au commerce d’organismes vivants.
Pendant la période intersessions et malgré les difficultés liées à la pandémie de COVID-19, les travaux de la Convention se sont poursuivis. La SBSTTA 23 et la 11e réunion du Groupe de travail spécial à composition non limitée sur l’Article 8(j) et les dispositions connexes se sont déroulées en novembre 2019. La première partie de la SBSTTA 24 s’est tenue en ligne en 2021, les 3 et 4 mai, du 23 au 26 mai et du 7 au 9 juin, à la suite de la première partie de la SBI 3.
Le Groupe de travail à composition non limitée sur le CMB a tenu sa première réunion du 27 au 30 août 2019 à Nairobi, au Kenya ; sa deuxième réunion du 24 au 29 février 2020 à Rome, en Italie ; et la première partie de sa troisième réunion, au format virtuel, du 23 août au 3 septembre 2021, à l’occasion de laquelle le premier projet du CMB a pu être négocié.
Compte-rendu de la Conférence des Nations Unies sur la biodiversité (Première partie)
Lundi 11 octobre, Yasmine Fouad, Ministre de l’environnement de l’Égypte, s’exprimant par téléconférence au nom de la Présidence de la CdP 14, a décrit les avancées des trois dernières années en citant notamment : un engagement renforcé en faveur d’une intégration de la biodiversité dans tous les secteurs économiques ; la définition de méthodologies pour approfondir la coopération internationale en faveur du lien biodiversité-équité ; et la conception d’une feuille de route pour développer un Cadre mondial de la biodiversité (CMB). Elle a prononcé son discours à la suite d’une vidéo très exaltante sur la célèbre traversée de la province chinoise du Yunnan par une horde d’éléphants pendant 17 mois, et après un spectacle de musiques locales.
Huang Runqiu, Ministre de l’écologie et de l’environnement de la Chine, a pris officiellement la suite de la Présidence de la CdP, cédée par Mohamed El Badry, Ambassadeur de l’Égypte en Chine, et a déclaré ouverte la CdP 15 après avoir souhaité la bienvenue aux quelques 1500 délégués présents sur place et aux plus de 3000 participants en ligne. Il s’est félicité du fait que les difficultés liées à la pandémie aient pu être collectivement surmontées et a souligné qu’il convient d’agir avec fermeté, dans un esprit positif et résolu, pour stopper et inverser l’appauvrissement de la biodiversité.
Han Zheng, le Vice-Premier ministre du Conseil des affaires de l’État de la république populaire de Chine, a présenté le thème de la Conférence, « Une civilisation écologique : construire un avenir de partage pour tous sur la Terre », en affirmant que celui-ci s’inscrit de façon emblématique dans une démarche de recalibrage des rapports de l’humanité avec la nature. Il a souligné que protéger la biodiversité tout en réduisant la pauvreté est tout à fait possible, comme le montre l’exemple chinois. Il a appelé à renforcer le consensus multilatéral, accentuer la mobilisation des ressources et accélérer la transformation pour sortir vainqueurs des défis environnementaux qui se posent à l’échelle mondiale.
Inger Andersen, Directrice exécutive du Programme des Nations Unies sur l’environnement (PNUE), s’exprimant au nom d’Amina Mohammed, Vice-Secrétaire générale des Nations Unies, a souligné que la tâche centrale de l’humanité au 21e siècle consiste à faire la paix avec la nature, et a mis en exergue que le CMB offre une nouvelle opportunité pour assurer un avenir durable à tous les êtres vivants. Elle a souligné que la conservation et l’utilisation rationnelle de la biodiversité sont nécessaires pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) et ceux fixés dans l’Accord de Paris, qui doivent rester les curseurs qui guident l’action. Elle a par ailleurs affirmé que la conservation de la nature est aussi une question de développement, et a appelé à mobiliser toutes les ressources possibles et à placer la nature au cœur de la prise de décisions.
Ruan Chengfa, Gouverneur de la province chinoise du Yunnan, a évoqué les efforts régionaux de conservation de la biodiversité, en soulignant le besoin de bâtir un avenir de partage pour tous les êtres vivants de la Terre. Il a estimé que la réunion offrait une occasion de renforcer la coopération mondiale et de réaliser le rêve commun d’une civilisation écologique.
Elizabeth Maruma Mrema, Secrétaire exécutive de la CDB, a noté qu’organiser la CdP 15 dans l’un des sites les plus divers au monde d’un point de vue culturel et écologique correspond bien à l’idée d’une profonde valorisation de la nature et des liens entre culture et nature. Elle a mis en exergue les actions menées par la Chine pour protéger et restaurer la biodiversité, et a signalé l’interconnexion entre les graves altérations que subissent le climat, la biodiversité et la santé humaine, en affirmant que la pandémie de COVID-19 constitue un rappel brutal à la réalité de cette interconnexion. Elle a souligné que, si nous voulons réaliser la vision 2050 d’une vie en harmonie avec la nature, nous devons agir au cours de la présente décennie pour stopper net la perte de biodiversité et l’inverser, de façon à nous placer sur la voie de la régénération d’ici 2030.
L’Argentine, au nom du GROUPE AMÉRIQUE LATINE ET CARAÏBES (GRULAC), s’est félicitée de l’occasion offerte par cette première partie de la CdP, avec le segment de haut niveau et la Déclaration de Kunming, pour accentuer l’élan politique en faveur d’un CMB ambitieux, réaliste et équilibré qui puisse être adopté en deuxième partie de cette CdP.
La Géorgie, au nom de l’EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE, a signalé des aspects aussi importants les uns que les autres au sein du CMB, notamment les stratégies et plans d’action nationaux pour la biodiversité (SPANB), l’intégration de la biodiversité, et les indicateurs de suivi « SMART », sigle anglais pour « spécifiques, mesurables, atteignables, pertinents et limités dans le temps ».
La Slovénie, au nom de l’UNION EUROPÉENNE (UE), a martelé que la fenêtre d’opportunité pour que l’humanité évite l’effondrement des systèmes porteurs de la vie terrestre est en train de se fermer à grande vitesse. Le délégué a soutenu l’idée d’une cible 30-pour-30, qui viserait la conservation de 30% des zones terrestres et marines de la Terre d’ici 2030, et a exhorté les participants à s’attaquer aux moteurs de la perte de biodiversité, notamment le changement de l’utilisation des terres et des mers, la surexploitation des ressources naturelles, les changements climatiques, la pollution et les espèces exotiques invasives.
La République démocratique du Congo a souligné, au nom du GROUPE AFRICAIN, que comme l’Afrique abrite une grande diversité de faune et de flore, fournissant de précieux services écosystémiques et servant de barrière aux changements climatiques, elle est particulièrement vulnérable aux défis environnementaux tels que la perte de biodiversité. Le délégué a plaidé pour un CMB solide, ambitieux et réaliste, assorti des moyens appropriés à sa mise en œuvre. Il a mis en exergue les efforts et les priorités du continent en matière de conservation, et appelé à développer des synergies, élaborer des mécanismes de suivi et d’évaluation, à faciliter l’engagement et la participation, et à finaliser les pourparlers relatifs à l’ISN.
Signalant que ce sont les technologies numériques qui ont permis de poursuivre les travaux relatifs à la biodiversité durant la pandémie de COVID-19, le Koweït, au nom du GROUPE ASIE-PACIFIQUE, a souligné que les populations interagissent avec la nature depuis des millénaires mais que ce sont nos modes de vie et de consommation non durables qui ont conduit à l’état actuel des choses. La déléguée a rappelé que les confinements ont permis à la nature et à la biodiversité de reprendre leur cours normal dans une certaine mesure, et a souligné le besoin de développer des synergies pour atteindre les objectifs communs en matière de biodiversité.
La déléguée de la Nouvelle-Zélande, s’exprimant également au nom de l’Australie, du Canada, de l’Islande, d’Israël, de Monaco, de la Norvège, de la République de Corée, de la Suisse, du Royaume-Uni et des États-Unis, membres du GROUPE JUSCANZ, a souligné que la CdP 15 et le segment de haut niveau témoignent de notre volonté collective de faire bloc pour affronter cette crise inédite de la biodiversité et maintenir l’élan politique qui permettra l’adoption d’un nouveau CMB. Elle a instamment appelé à traiter tous les facteurs qui contribuent à la perte de biodiversité et à trouver des terrains d’entente pour faire face aux questions les plus compliquées.
L’ORGANISATION DU TRAITÉ DE COOPÉRATION DE L’AMAZONIE a mis en exergue l’importance de l’Amazonie en matière de conservation de la biodiversité et de lutte contre les changements climatiques. La déléguée a décrit des instruments, des méthodologies et des initiatives, et a appelé à reconnaître les contributions régionales en tant qu’outils efficaces participant à la réalisation des objectifs de la Convention et à ceux du CMB.
Une représentante de la jeunesse et de la communauté locale du peuple Hani du Yunnan a insisté sur l’importance de vivre en harmonie avec la nature. Elle a souligné que ses ancêtres ont protégé les ressources naturelles pendant 1300 ans en coexistant avec la nature, et a instamment plaidé pour la protection des écosystèmes naturels au bénéfice des générations futures.
Le FORUM INTERNATIONAL AUTOCHTONE SUR LA BIODIVERSITÉ (FIAB) a affirmé que les peuples autochtones et les communautés locales (PACL) sont les meilleurs gardiens de la nature, en soulignant la nécessité de respecter leurs systèmes de gouvernance et leurs savoirs traditionnels. La déléguée a apprécié l’inclusion de références au consentement libre, informé et préalable, aux connaissances traditionnelles, à l’utilisation coutumière durable, à l’équité et à l’approche axée sur les droits dans le projet du CMB, et a instamment demandé que le CMB bénéficie de la solidité supplémentaire qui lui offrira la reconnaissance explicite des territoires des PACL et le plein respect de leurs droits.
L’ALLIANCE POUR LA CDB s’est félicitée du report des négociations de fond jusqu’à la reprise des réunions présentielles, et a exhorté les Parties à s’engager sérieusement pour stopper et inverser l’appauvrissement de la biodiversité. La déléguée a affirmé que la logique économique actuelle perpétue la perte de biodiversité et affecte négativement les PACL, et a appelé à mettre en place un mécanisme multilatéral de partage des avantages issus de l’utilisation de l’ISN.
Le CAUCUS DES FEMMES POUR LA CDB a souhaité l’inclusion d’une cible indépendante sur les aspects de genre dans le CMB, sur la base des droits humains, qui comprennent désormais le droit récemment reconnu à un environnement sain.
L’ICLEI – AUTORITÉS LOCALES POUR LA DURABILITÉ a défendu le rôle vital que jouent les autorités infranationales dans la translation des cibles mondiales en actions locales et régionales, et a salué le Processus d’Édimbourg en tant que plateforme pour faire entendre les voix infranationales dans l’élaboration des cibles de l’après-2020.
Le RÉSEAU MONDIAL DE LA JEUNESSE POUR LA BIODIVERSITÉ (RMJB) a averti que les solutions rapides et superficielles ne pourront pas enrayer la perte de biodiversité et a appelé à faire preuve d’équité intergénérationnelle dans le CMB, notamment en mobilisant toutes les formes d’éducation pour favoriser le changement.
L’ASSOCIATION POUR LA CONSERVATION DE LA NATURE « TRUE NATURE », Chine, s’exprimant également au nom de la jeunesse chinoise, a mis en exergue les efforts régionaux en matière de conservation, essentiellement focalisés sur la protection des espèces sauvages.
Questions d’organisation
Lundi, la plénière a adopté l’ordre du jour et l’organisation des travaux pour : la CdP 15 (CBD/COP/15/1/Rev.1, Add.1, et Add.2); la PC CdP/RdP 10 (CBD/CP/MOP/10/1/Rev.1, Add.1, et Add.2); et la PN CdP/RdP 4 (CBD/NP/MOP/4/1/Rev.1, Add.1, et Add.2).
Le Président de la CdP 15 Huang a signalé que la CdP 14 avait élu les membres du Bureau qui siégeront jusqu’à la clôture de la CdP 15. Après deux remplacements, le Bureau de la CdP 15 est ainsi composé : Eric Okoree (Ghana); Melesse Maryo (Éthiopie); Vinod Mathur (Inde); Leina El-Awadhi (Koweït); Teona Karchava (Géorgie); Elvana Ramaj (Albanie); Andrea Meza Murillo (Costa Rica); Helena Jeffery Brown (Antigua-et-Barbuda); Gabriele Obermayr (Autriche); et Rosemary Paterson (Nouvelle-Zélande).
Les Parties sont convenues que l’élection de nouveaux officiels sera examinée plus avant pendant la deuxième partie de la réunion. Le Président Huang a invité les groupes régionaux à présenter leurs nominations de préférence avant la deuxième partie, pour permettre aux membres élus d’assister, en tant qu’observateurs, aux réunions du Bureau pendant la deuxième partie de la CdP 15, et assurer ainsi une transition sans encombres entre les membres entrants et les membres sortants du Bureau. Hamdallah Zedan (Égypte) a été invité à rester membre d’office du Bureau en tant que représentant de la Présidence de la CdP 14.
La même procédure a été suivie pour les deux protocoles. Tout membre du Bureau de la CdP représentant une Partie à la Convention qui n’est pas également Partie à un protocole a été remplacé par un membre élu par et pour les Parties au protocole correspondant.
Concernant le Protocole de Cartagena, tous les membres du Bureau de la CdP représentaient des Parties au Protocole ; le Bureau de la CdP est donc maintenu sans changements et remplit les fonctions de Bureau de la PC CdP/RdP. Les Parties au Protocole de Cartagena sont par ailleurs convenues de se pencher à nouveau sur l’élection des officiels pendant la deuxième partie de la réunion.
Concernant le Protocole de Nagoya, le Bureau était conformé des membres suivants, à la suite de leur élection dans le cadre de la PN CdP/RdP 3, avec notamment trois remplacements de membres du Bureau de la CdP qui représentaient des Parties à la Convention qui ne sont pas Parties au Protocole de Nagoya, et une suppléance : Eric Okoree (Ghana); Melesse Maryo (Éthiopie); Vinod Mathur (Inde); Leina El-Awadhi (Koweït); Dilovarsho Dustov (Tadjikistan); Elvana Ramaj (Albanie); Joaquin Salzberg (Argentine); Helena Jeffery Brown (Antigua-et-Barbuda); Gabriele Obermayr (Autriche); et Marie Haraldstad (Norvège). Les Parties au Protocole de Nagoya sont par ailleurs convenues de se pencher à nouveau sur l’élection des officiels pendant la deuxième partie de la réunion.
La plénière a élu Elvana Ramaj pour occuper la fonction de Rapporteure et Eric Okoree comme représentant du Bureau chargé de la vérification des pouvoirs.
Vendredi, dans son rapport relatif aux pouvoirs transmis auprès du Bureau, Okoree a signalé qu’un nombre exceptionnellement élevé de pays n’avait pas encore présenté de documents valables concernant les pouvoirs, sans doute en raison de la situation exceptionnelle imposée par la pandémie. Il a été convenu, à titre exceptionnel, que les délégués pourraient présenter leur pouvoirs jusqu’à 30 jours après la clôture de la réunion.
Rapports des réunions intersessions et des réunions régionales préparatoires
Vendredi, le Président de la CdP 15 Huang a invité les Présidents des organes subsidiaires et des groupes de travail à composition non limitée à présenter leurs rapports des travaux conduits pendant la période intersessions.
Le Président du SBSTTA Hesiquio Benítez Díaz (Mexique) a passé en revue les travaux réalisés pendant la SBSTTA 23 et la première partie de la SBSTTA 24 (CBD/SBSTTA/23/9 et CBD/SBSTTA/24/11). Il a souligné que la SBSTTA 23 s’est mise rapidement au travail pour enrichir la base documentaire et scientifique du CMB. Il a décrit les travaux intersessions qui se sont déroulés en ligne à cause des restrictions imposées par la pandémie de COVID-19, notamment des webinaires, des sessions spéciales et la réunion informelle du SBSTTA en février 2021. Il a mis en exergue les résultats de la SBSTTA 24, qui s’est également tenue en ligne en juin 2021, en soulignant que les divers points de l’ordre du jour sont interdépendants et que le traitement isolé de chaque question ralentit considérablement les progrès. Il a souligné que la reprise des sessions, qui se tiendront concomitamment à Genève en janvier 2022, assurera la cohérence et permettra une approche plus globale.
Hamdallah Zedan (Égypte), Co-Président du Groupe de travail spécial à composition non limitée sur l’Article 8(j) et les dispositions connexes, a présenté le compte-rendu de la 11e réunion du Groupe de travail (CBD/WG8J/11/7). Il a mis en lumière quelques recommandations importantes et en particulier l’élaboration d’un nouveau programme de travail sur l’Article 8(j) et les dispositions connexes, comprenant des objectifs, des principes généraux et des projets d’éléments. Il a souligné que la relation unique que les PACL entretiennent avec la CDB est l’une des principales forces de la Convention, et a instamment appelé à renforcer le rôle des PACL et à élargir leur champ d’action tout en respectant et en protégeant pleinement leurs droits.
La Présidente du SBI Charlotta Sörqvist (Suède) a fait le compte-rendu de la première partie de la SBI 3 (CBD/SBI/3/20). Elle a mis en avant les avancées considérables qui ont pu être faites pendant les réunions virtuelles, y compris la SBI 3, en soulignant qu’il reste encore beaucoup de travail pour garantir l’adoption d’un paquet de décisions à la deuxième partie de la Conférence des Nations Unies sur la biodiversité.
Les Coprésidents du Groupe de travail sur le CMB, Francis Ogwal (Ouganda) et Basile van Havre (Canada), ont rapporté les progrès satisfaisants réalisés par le Groupe de travail malgré les difficultés liées à la pandémie ; ont fait état d’engagements encourageants annoncés par les responsables mondiaux ; et se sont dits convaincus qu’il est possible d’établir un nouveau CMB réellement porteur de changement.
Les Parties ont pris note des rapports. Aucun rapport concernant les réunions préparatoires régionales n’a été présenté.
Rapports des Comités du respect des dispositions des Protocoles
Vendredi, le Président de la CdP Huang a invité les Présidents des Comités chargés du respect des dispositions des Protocoles à faire rapport de leurs activités.
Rigobert Ntep, Président du Comité chargé du respect des dispositions du Protocole de Cartagena, a présenté un rapport relatif aux 16e et 17e réunions du Comité qui se sont tenues en mai 2019 à Montréal et en avril 2020 en ligne (CBD/CP/MOP/10/2). Il a expliqué que les recommandations du Comité annexées à son rapport seront examinées durant la deuxième partie de la PC CdP/RdP 10.
Betty Kauna Schroder, Présidente des Comité chargé du respect des dispositions du Protocole de Nagoya, a présenté le Rapport du Comité concernant sa troisième réunion, qui s’est tenue en ligne en avril 2020 (CBD/NP/CC/3/5). Elle a également expliqué que les recommandations du Comité annexées à son rapport seront examinées durant la deuxième partie de la PN CdP/RdP 4.
Les Parties ont pris note des rapports. En réponse à une proposition du Président Huang, les membres des deux comités ont été maintenus dans leurs fonctions jusqu’à la fin de l’année 2022 sans aucune objection. Le Président Huang a appelé les régions à examiner les candidatures en vue des élections des nouveaux membres pendant la deuxième partie de la PC CdP/RdP 10 et de la PN CdP/RdP 4.
Administration et budget
Lundi, la Secrétaire exécutive de la CDB Mrema, a présenté les documents correspondants, dont une proposition de budget provisoire et un programme de travail pour la Convention et ses protocoles pour l’exercice 2022 (CBD/COP/15/3, CBD/CP/MOP/10/3, et CBD/NP/MOP/4/3). Elle a mis en lumière quelques ajustements qui ont été nécessaires en raison de la pandémie de COVID-19 ; donné des informations concernant le niveau de collecte de contributions évaluées ; et noté que le projet de budget couvre les besoins opérationnels pour 2022 à un niveau de maintenance, jusqu’à ce que le budget programmatique soit examiné pendant la deuxième partie de la réunion.
Un groupe de contact, sous la présidence de Spencer Thomas (Grenade), a été établi pour examiner en détail le budget provisoire. Le groupe s’est réuni dans la soirée de lundi.
Vendredi, le Président du groupe de contact Thomas a fait rapport à la plénière en remerciant tous les membres pour leurs contributions et leur esprit de compromis, et a présenté un projet de budget provisoire pour le programme de travail 2022 de la Convention et de ses protocoles. Les Parties ont approuvé et adopté le budget provisoire.
Décision finale: La proposition de budget provisoire pour l’exercice 2022 a été approuvée par la CdP 15 à la CDB (CBD/COP/15/L.2), par la PC CdP/RdP 10 pour le Protocole de Cartagena (CBD/CP/MOP/10/L.2), et par la PN CdP/RdP 4 pour le Protocole de Nagoya (CBD/NP/MOP/4/L.2).
Le budget provisoire d’environ 18,4 millions USD pour la Convention et ses protocoles permet la poursuite des activités. Les coûts de personnel représentent environ les deux tiers du budget provisoire. Les réunions qui ont besoin d’être financées sont les sessions de reprise des organes subsidiaires de la CDB et du Groupe de travail sur le CMB, et la deuxième partie de la Conférence des Nations Unies sur la biodiversité. Les décisions relatives au budget confirment l’extension de certaines portions du budget 2019/2020 jusqu’à la fin de la deuxième partie de la Conférence et du budget principal pour 2021, et confirment à nouveau le ratio 74/15/11 pour le partage des coûts entre la CDB, le Protocole de Cartagena et le Protocole de Nagoya.
Avec le budget provisoire, la Conférence décide également qu’il conviendra de solliciter des contributions volontaires additionnelles pour faciliter toute autre mission spécifique ou ciblée nécessaire à la finalisation et à l’adoption du CMB. La Conférence a également noté avec inquiétude que nombre de Parties n’ont pas encore versé leurs contributions aux budgets principaux pour les exercices 2020 et précédents, certaines d’entre-elles n’ayant même jamais versé aucune contribution.
Adoption des rapports
Vendredi, la Rapporteure Ramaj a présenté les rapports des réunions de la Convention et de ses protocoles. Elle a expliqué que ceux-ci sont en grande partie des rapports de procédure, contenant des déclarations d’ouverture et traitant les questions d’organisation, et a noté qu’ils seraient finalisés après la clôture de la réunion, en y intégrant les dernières activités de la journée.
Le JAPON a souligné que la Déclaration de Kunming a uniquement pour objet de saisir l’élan politique actuel, qu’elle ne constitue en aucun cas une décision négociée de la CdP et qu’elle n’est pas de nature juridiquement contraignante. Le délégué a fait valoir que, comme certaines des suggestions faites par sa délégation n’ont pas été pleinement prises en compte malgré les efforts du pays hôte, la déclaration n’établit aucun précédent pour les discussions intergouvernementales en cours ou à venir dans le contexte de la CDB, des Nations Unies ni des autres forums intergouvernementaux, et a demandé à ce que ceci soit dûment consigné dans le rapport de la réunion.
La CdP 15, la PC CdP/RdP 10 et la PN CdP/RdP 4 ont adopté leurs rapports respectifs sans autres commentaires (CBD/COP/15/Part/L.1, CBD/CP/MOP/10/Part1/L.1, et CBD/NP/MOP/4/Part1/L.1).
Plénières de clôture
Vendredi, le Président de la CdP 15 Huang a déclaré ouvertes les sessions plénières de clôture avec un bref rapport concernant le segment de haut niveau de cette première partie de la Conférence des Nations Unies sur la biodiversité, en soulignant un élan politique renouvelé, en partie grâce à la Déclaration de Kunming.
Cui Shuhong, Directeur général du Ministère de l’écologie et de l’environnement de la Chine, a résumé les délibérations et les conclusions du Forum pour une civilisation écologique, qui s’est déroulé jeudi et vendredi, avec une centaine d’interventions d’experts et de délégués, et environ 2100 participants présents et en ligne. Le Forum a donné une impulsion nouvelle à l’intégration de la biodiversité dans tous les secteurs, et s’est focalisé en particulier sur les écosystèmes de montagne.
Xu Guang, Secrétaire général de la Fondation chinoise pour la protection de l’environnement, a rapporté les activités du Forum d’action des ONG, qui s’est déroulé les 27 et 28 septembre 2021 à Kunming, avec plus de 400 participants. Le Forum a émis un appel collectif à l’action et mobilisé d’importants engagements de la part des acteurs non-étatiques pour aider à réaliser les objectifs et cibles en matière de biodiversité, notamment le CMB. Il a rapporté que dix acteurs non-étatiques chinois se sont engagés à investir 2,55 milliards CNY (environ 400 millions USD) pour contribuer à la mise sous protection d’une zone de 10 millions d’hectares.
Dans son propos de clôture, le ROYAUME-UNI a annoncé une contribution volontaire additionnelle de 200 mille GBP au Fonds volontaire d’affectation spéciale pour faciliter la participation au processus de la Convention. La Chine a réitéré son engagement de mettre en place le Fonds de Kunming pour la biodiversité, doté d’une contribution initiale de 1,5 milliard CNY (environ 230 millions USD) dans l’esprit de la Déclaration de Kunming.
La Secrétaire exécutive de la CDB Mrema a remercié la Chine pour l’organisation réussie de cette première partie de la réunion, ainsi que tous les participants pour leurs contributions. Elle a cité les trois composantes clés d’un CMB efficace : un niveau d’ambition suffisant pour atteindre les objectifs 2030 et la vision 2050, en combattant tous les facteurs qui contribuent à l’appauvrissement de la biodiversité ; des engagements de financement proportionnés, y compris à travers le Fonds pour l’environnement mondial (FEM) ; et un mécanisme permettant d’assurer que le processus soit sur la bonne voie pour atteindre ses cibles et objectifs.
Le Président de la CdP 15 Huang s’est dit satisfait que le bon travail accompli à cette première partie de la CdP 15 ait permis de bonnes avancées sur tous les fronts, et a assuré à tous les participants que la Chine travaillera d’arrache-pied pour être prête pour la deuxième partie de la Conférence et l’adoption du CMB. Il a conclu avec un proverbe chinois selon lequel « si nous marchons ensemble, nous pourrons surmonter tous les obstacles », et a déclaré close à 17h09, heure de Kunming (UTC+8), la première partie de la Conférence.
Segment de haut niveau
Le segment de haut niveau s’est déroulé mardi et mercredi 12 et 13 octobre, et s’est focalisé sur le thème de la Conférence, « Pour une civilisation écologique : construire un avenir de partage pour tous sur la Terre ». Il a été l’occasion de discussions approfondies entre les ministres nationaux dépêchés sur place, d’autres hauts représentants des Parties et des organisations internationales et régionales, ainsi que des groupes de parties prenantes non-Parties, avec pour objectif de renforcer le niveau d’ambition du CMB. Le segment de haut niveau a été organisé autour d’un sommet des leaders, de séances plénières d’ouverture et de clôture, et de discussions en table ronde, et a abouti à la Déclaration de Kunming.
Sommet des leaders: Le Président de la CdP 15 Huang a ouvert le Sommet des leaders en expliquant que l’objectif de celui-ci était de mobiliser l’engagement au plus haut niveau politique et d’utiliser pleinement la CdP 15 comme une importante occasion d’inverser la perte de biodiversité et de prendre un nouveau chemin en matière de gouvernance environnementale mondiale.
Han Zheng, le Vice-Premier ministre du Conseil des affaires de l’État de la Chine, a affirmé que la biodiversité est le fondement de la vie sur Terre, notre foyer commun, et a appelé de ses vœux une civilisation écologique et un développement durable sobre en dioxyde de carbone. Il a martelé que nous nous trouvons à un stade critique en matière de protection de la biodiversité et que le CMB sera un document important pour l’avenir, qui requiert « la plus grande détermination politique ».
Le Président chinois Xi Jinping a estimé que la CdP 15 est un rendez-vous très significatif car il sera l’occasion de travailler sur le CMB, à identifier les objectifs et cibles de la biodiversité pour l’avenir. Il a instamment souhaité :
- que le concept de « civilisation écologique » serve de guide pour rester dans les limites environnementales ;
- que tous les efforts soient déployés pour une transition verte qui facilite un développement durable à l’échelle mondiale ;
- que l’accent soit mis sur l’amélioration du bien-être des peuples ; et
- que le droit international soit la base d’un système juste et équitable de gouvernance environnementale au niveau international.
Il a évoqué les progrès accomplis par la Chine dans la construction d’une civilisation écologique et dans le développement d’aires protégées, et a annoncé la mise en place du Fonds de Kunming pour la biodiversité, avec une contribution initiale de la Chine à hauteur de 1,5 milliard CNY (environ 230 millions USD), en invitant de nouvelles contributions. Il a conclu en affirmant que « si nous, les humains, ne trahissons pas la nature, la nature ne nous trahira pas », et a appelé les délégués à prendre leurs responsabilités envers les générations futures.
Le Président russe Vladimir Putin a affirmé que la CDB est plus importante que jamais en raison de l’impact continu du développement humain sur l’environnement et le climat. Il a instamment plaidé pour la conservation de la nature sur la base des conclusions scientifiques universellement reconnues, et pour une coopération internationale plus étroite associée à la reconnaissance des souverainetés nationales.
Le Président égyptien Abdul Fattah Al-Sissi a évoqué les difficultés et effets négatifs liés à la COVID-19, le besoin de se concentrer sur le programme relatif à la biodiversité, et les avancées réalisées sous la présidence égyptienne de la CdP, notamment la conception du processus pour un CMB doté de mécanismes de mise en œuvre clairs. Il s’est dit honoré de transmettre la présidence de la CdP à la Chine, avec la conviction que celle-ci pourra guider activement les efforts pour la protection de la biodiversité.
Le Président turc Recep Tayyip Erdoğan a souligné que dans la nature tout est interconnecté, et que les catastrophes naturelles endommagent l’environnement et menacent directement la vie et la prospérité humaines. Il a souligné que la crise de la biodiversité va de pair avec la pollution de l’environnement, la raréfaction de la nourriture et de l’eau, et que cela conduit inexorablement à des conflits et des migrations. Il a mis en avant la richesse de la Turquie en matière de biodiversité et les efforts déployés au niveau national pour assurer sa conservation et son utilisation durable, et s’est dit engagé à faire de la CdP 16 à la CDB une réussite.
Le Président français Emmanuel Macron a souligné le besoin de placer la nature au cœur des efforts de développement. Il a mis en exergue les efforts déployés par la France pour jouer un rôle de leader en matière de conservation environnementale, notamment en accueillant des réunions internationales telles que le Congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) en septembre 2021 et le Sommet One Ocean qui se tiendra début 2022. Il a évoqué la cible 30-pour-30 et appelé à attirer des financements appropriés pour la mise en œuvre.
Le Président du Costa Rica Carlos Andrés Alvarado Quesada a évoqué la Coalition pour un niveau élevé d’ambition pour les peuples et la nature, co-présidée par le Costa Rica et la France, en signalant que le succès de cette initiative montre comment, en travaillant ensemble, il nous est possible d’atteindre nos objectifs. Il a instamment appelé à intensifier l’élan politique en vue de la deuxième partie de la CdP 15 ; souligné que la cible 30-pour-30 est sensée du point de vue financier car le coût de l’inaction est très élevé ; averti que la fenêtre d’opportunité pour agir est en train de se fermer à grande vitesse ; et appelé à agir dans une optique de transformation.
Le Président kirghize Sadyr Nurgozhoevich Japarov a souligné les interconnexions entre conservation de la biodiversité et changements climatiques, et a attiré l’attention vers le développement durable des régions montagneuses. Soulignant l’importance de la coopération internationale, il a évoqué les efforts nationaux en matière de protection de la biodiversité et a instamment soutenu la mise en place d’un programme spécial sur les forêts placé sous l’égide de l’ONU.
Le Premier ministre de Papouasie-Nouvelle-Guinée James Marape a souligné l’étroite relation qu’entretiennent les peuples du Pacifique avec l’environnement, en évoquant la riche biodiversité de son pays et ses régions écologiquement distinctes. Il a évoqué les efforts nationaux pour la conservation de la biodiversité, notamment le renforcement des capacités de recherche et le développement des énergies renouvelables, et a souligné la nécessité de concerter les efforts de conservation et de les accompagner de mesures de développement social.
Le Prince Charles, Royaume-Uni, a souligné que la pandémie de COVID-19 a montré à quel point la santé des humains est liée à celle de la planète et qu’elle nous offre une opportunité pour agir. Il a souligné que, pour répondre de façon effective à la crise de la biodiversité, il est impératif d’œuvrer au niveau de l’économie dans son ensemble. Il a souligné le besoin de transformer les engagements et promesses en actions concrètes, et a instamment appelé : à considérer le capital naturel comme un pilier central dans la prise de décisions économiques globales ; d’intégrer la conservation et les solutions axées sur la nature dans les chaînes d’approvisionnement ; de tarifer correctement le carbone et déployer des technologies de capture et de stockage du carbone pour gagner du temps ; et de repenser nos systèmes de santé et d’alimentation.
Le Secrétaire général des Nations Unies António Guterres a asséné que « nous sommes en train de perdre notre guerre suicide contre la nature ; notre expérimentation longue de deux siècles consistant à brûler des énergies fossiles, détruire les forêts, la vie sauvage et les océans, et dégrader les sols, a généré un effondrement de la biosphère ». Il a averti que les dommages causés à la complexe toile de la vie a déjà des impacts sur les vies et les moyens de subsistance de millions de personnes, et contribuent à exacerber la faim, la maladie et le chômage ; et que les peuples autochtones et les autres groupes vulnérables sont parmi les plus touchés. Il a exhorté le CMB à soutenir :
- Le droit légalement reconnu de toutes les personnes, partout dans le monde, à vivre dans un environnement sain ;
- Les politiques et programmes nationaux visant à combattre les moteurs de la perte de biodiversité ; et
- Le travail visant à transformer les systèmes de responsabilité nationaux et mondiaux de façon à ce qu’ils reflètent le vrai coût des activités économiques, y compris leur impact sur la nature et le climat.
Il a par ailleurs appelé à mettre un terme aux subventions perverses, et souligné la nécessité d’un paquet significatif de financements et de transferts de technologies apte à soutenir les pays en développement.
Segment ministériel : Le Président de la CdP 15 Huang Runqiu a donné mardi le coup d’envoi de la session plénière du segment ministériel, en exhortant les leaders mondiaux à engager leur volonté politique pour la conservation de la biodiversité.
La Directrice exécutive du PNUE, Inger Andersen, a qualifié la CdP 15 d’occasion historique pour prendre le tournant vers un avenir positif du point de vue naturel et une économie circulaire grâce à un CMB renouvelé. Elle a évoqué l’ambition et le courage nécessaires pour aborder les intérêts particuliers, et pour redéfinir et réorienter les flux financiers et les subventions. Elle a plaidé pour une action claire et tangible, et souligné que l’élan donné à la question de la biodiversité à cette réunion fera résonner une volonté mondiale de protection environnementale à la CdP 26 de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC).
La Secrétaire exécutive de la CDB Mrema a estimé que la sauvegarde de la biodiversité est la mission centrale de cette décennie, et réitéré l’appel lancé par le Secrétaire général des Nations Unies à établir un niveau d’ambition, d’action et de responsabilité qui soit clair pour tous. Elle a remercié la Chine pour son leadership en matière de gouvernance mondiale de la biodiversité, et salué la mise en place du Fonds de Kunming pour la biodiversité. Elle a souligné que les profonds engagements pris en réaction à l’urgence d’agir doivent désormais être transposés dans des politiques et se traduire par des résultats. Elle a déclaré que le CMB constituera un manuel pour combattre les moteurs directs et indirects de la perte de biodiversité, et assurera la concertation des efforts pour affronter les défis environnementaux.
La discussion qui a suivi, autour du thème de la CdP 15, « Pour une civilisation écologique : construire un avenir de partage pour tous sur la Terre », a été modéré par le Président de la CdP Huang Runqiu.
Pour planter le décor, Anne Larigauderie, Secrétaire exécutive de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), a souligné que les ODD peuvent encore être atteints, mais qu’il est impératif d’opérer un changement transformateur qui requiert à son tour de placer la biodiversité au cœur de toutes les entreprises humaines. Elle a fait la promotion des modèles d’approvisionnement qui réduisent leur impact sur la nature et des approches de gouvernance qui se veulent intégrées, cohérentes, inclusives, éclairées et adaptatives.
Trois discussions en panel ont eu lieu ensuite.
Panel 1: Que signifie l’idée de civilisation écologique en termes de nourriture, de santé, d’emploi, de commerce et d’éducation ? Qu Dongyu, Directeur-Général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a indiqué que le concept de « civilisation écologique » se rattache à plusieurs dimensions des systèmes agroalimentaires, qui peuvent contribuer à inverser la perte de biodiversité, à ouvrir des voies d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques, et à améliorer la productivité et la sécurité alimentaire. Il a expliqué la façon dont les systèmes agroalimentaires peuvent significativement contribuer à réduire la faim, notamment en aidant les membres à produire plus avec moins, grâce aux innovations, à l’investissement responsable et à l’inclusivité. Il a déclaré que la FAO est engagée à faire tout ce qui est nécessaire pour stimuler l’efficacité et bâtir des systèmes agroalimentaires inclusifs et résilients.
Zsuzsanna Jakab, Directrice-générale adjointe de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a expliqué que le concept de « civilisation écologique » exploite le potentiel des écosystèmes sains et aide à lutter collectivement contre les moteurs de la perte de biodiversité, en signalant que la prévention est infiniment moins coûteuse que les réponses d’urgence. Elle a instamment plaidé pour des approches holistiques, comme l’Approche One Health, qui vise la sauvegarde des écosystèmes et applique une démarche à l’échelle des ensembles gouvernementaux alignée sur des impératifs d’équité et des curseurs environnementaux. Elle a expliqué que le secteur de la santé devrait être mis au centre des efforts de lutte contre les changements climatiques et la perte de biodiversité.
Chihoko Asada-Miyakawa, Directrice générale adjointe et Directrice régionale pour l’Asie et le Pacifique, de l’Organisation internationale du travail (OIT), a dit son soutien pour une transition juste vers l’économie verte, y compris à travers la Coalition pour l’emploi au cœur de l’action climatique, une initiative des Nations Unies conduite par l’OIT qui contribue à des recherches concernant les impacts de l’action climatique, renforce le dialogue social et permet le développement et la mise en œuvre d’une transition juste. Elle a dit que l’OIT vise à accélérer la création d’emplois à l’échelle mondiale et à créer 100 millions d’emplois d’ici 2030, en particulier dans l’économie verte.
Qu Xing, Vice-Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), a signalé les vases communicants entre la crise climatique et celle de la biodiversité, que le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) et l’IPBES soulignent depuis quelque temps maintenant. Il a estimé qu’il est important de placer 30% de la planète sous protection d’ici 2030, mais que cela ne signifie pas que nous puissions détruire les 70% restants. Il a instamment plaidé pour un changement des comportements et des manières de penser, y compris à travers l’éducation, en mettant l’enseignement environnemental au cœur des programmes scolaires. Signalant le travail de l’UNESCO sur les réserves de la biosphère et les sites classés patrimoine mondial, il a exhorté à la protection du patrimoine naturel mondial et a déclaré que le développement économique et la protection de la biodiversité ne s’excluent pas l’un l’autre.
Panel 2: Mettre les financements et le renforcement des capacités au service d’une civilisation écologique : Ce panel s’est penché sur la façon dont l’intégration de la biodiversité dans tous les secteurs de l’économie peut soutenir la mise en œuvre efficace du CMB.
David Malpass, Président de la Banque mondiale, a signalé que la relance post-pandémique offre l’occasion de mobiliser des ressources additionnelles et de mettre en place des institutions plus efficaces pour lutter contre la perte de biodiversité. Il a décrit les efforts de conservation de la Banque mondiale dans de nombreux pays en développement et a souligné : que les solutions axées sur la nature sont une composante centrale de la transition requise ; le besoin d’accroître les soutiens pour les pays les plus pauvres et les populations les plus vulnérables ; et le besoin d’intégrer des considérations relatives à la biodiversité dès les étapes les plus précoces de la planification, notamment dans des secteurs tels que l’agriculture et les infrastructures.
Carlos Manuel Rodríguez, Directeur général et Président du FEM, a souligné que le Fonds, en tant que mécanisme financier de la CDB, fera tout son possible pour la mise en œuvre réussie du CMB, en évoquant une stratégie ambitieuse prévue pour la huitième reconstitution du FEM (FEM-8). Il a mis en exergue la stratégie inclusive du FEM et souligné le besoin de mobiliser davantage de ressources et de renforcer les capacités critiques au niveau national, et d’établir des partenariats et des synergies pour accélérer la mise en œuvre du CMB dans l’idée d’un avenir neutre en carbone, libre de pollution et affichant un bilan environnemental positif (« nature-positive », en anglais).
Achim Steiner, Administrateur du Programme des Nations Unies sur le développement (PNUD), a exhorté à repenser et redéfinir la marche humaine vers le progrès, en mettant des financements durables au centre de ces efforts. Il a signalé que, dans les subventions aux agriculteurs, neuf dollars sur dix alimentent la crise climatique et font du tort à la nature, en soulignant que le PNUD s’efforce d’aider les pays à choisir des investissements à impact environnemental positif. Il a en outre décrit les efforts du PNUD notamment en matière de financements novateurs, et a appelé à donner à la nature sa véritable valeur, qui est inestimable.
Panel 3: Promouvoir des actions synergiques pour la biodiversité, le climat, les terres et les océans : Ibrahim Thiaw, Secrétaire exécutif de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (CLD), a souligné que restaurer les terres contribue au stockage de carbone et réduit la pollution des océans, en affirmant que nous n’avons plus le temps de relever un défi à la fois mais devons les affronter tous ensemble, de façon holistique et de façon urgente.
Patricia Espinosa, Secrétaire exécutive de la CCNUCC, a affirmé que « la nature est notre meilleure alliée » dans la lutte contre les changements climatiques, et appelé les pays à relier systématiquement leurs engagements dans le cadre de la CDB, de la CCNUCC et des ODD, et notamment au sein de leurs Contributions déterminées au niveau national (CDN) et leurs SPANB.
Peter Thomson, Envoyé spécial des Nations Unies pour les océans, a estimé que l’alerte rouge vécue actuellement par l’Humanité exige le meilleur du multilatéralisme, ainsi qu’une cohérence sans faille au sein du système des Nations Unies. Il a également affirmé que l’océan est « le grand bunker » de la biodiversité, renfermant 80% de la vie sur Terre.
Bruno Oberle, Directeur général de l’UICN, a soutenu, entre autres : une définition commune de ce que sont les solutions axées sur la nature, qui pourraient fournir jusqu’à 37% de l’atténuation climatique requise d’ici 2030 ; la cible 30-pour-30 ; l’allocation de 0,7-1% du PIB mondial au financement de la mise en œuvre du CMB ; et la réorientation des subventions qui portent atteinte à la nature.
Rebecca Lent, Secrétaire exécutive de la Commission baleinière internationale, s’exprimant au nom du Groupe de liaison des Conventions relatives à la biodiversité, a instamment plaidé pour tisser au sein du CMB les mandats respectifs des conventions relatives à la biodiversité afin de tirer pleinement profit de leurs forces respectives et spécifiques, notamment à travers l’utilisation appropriée des indicateurs.
Josefa Cariño Tauli, Leader de la jeunesse autochtone, s’exprimant au nom du RMJB, a posé la question « Qui êtes-vous, en tant que décideurs ? Êtes-vous ceux que vous avez besoin d’être ? ». Elle a exhorté les délégués à se poser en leaders transformateurs et en ancêtres conscients pour les générations futures, en signalant que sa communauté défend la terre comme si la vie en dépendait, parce que, de fait, elle en dépend.
Le Président de la CdP Huang a clos la plénière d’ouverture en soulignant que les Parties devraient faire preuve de volonté politique au plus haut niveau afin d’entreprendre la traversée vers la civilisation écologique.
Sessions en table ronde: Quatre discussions en table ronde se sont déroulées mardi et mercredi, et ont été l’occasion pour les ministres du monde d’échanger leurs points de vue dans divers domaines thématiques.
Table ronde A: Mettre la biodiversité sur le chemin de la régénération: La session a été co-présidée par Zhao Yingmin, Vice-Ministre de l’écologie et de l’environnement de la Chine, et Yasmine Fouad, Ministre de l’environnement de l’Égypte.
Dans ses remarques d’ouverture, la Ministre Fouad a évoqué l’élan créé par le Programme d’action de Charm-El-Sheik à Kunming pour la nature et les peuples, et a exhorté ses collègues à faire bon usage de cette session pour réaffirmer leur engagement vis-à-vis de la vision 2050 d’une vie en harmonie avec la nature. Deux experts sont ensuite intervenus.
Sandra Diaz, de l’Université de Cordoba, Argentine, et Co-Présidente de l’Évaluation mondiale de l’IPBES, a rappelé aux participants que la fabrique de la vie sur Terre est en train de s’effondrer à un rythme sans précédent, mais a souligné qu’il est encore possible de placer la nature sur la voie de la récupération.
Wei Fuwen, de l’Institut de zoologie de l’Académie chinoise des sciences, a comparé la nature au plus effectif des systèmes de protection sociale pour les moyens de subsistance des personnes, et a appelé à un suivi efficace de nos activités à l’aide d’indicateurs continus, quantifiables et faciles à mettre en œuvre.
Les ministres ont ensuite pu s’exprimer. Kiritapu Allan, Ministre de la conservation de Nouvelle-Zélande, a noté que beaucoup de solutions en matière de biodiversité, d’océans, de climat et de moyens de subsistance s’appuient les unes sur les autres, et a évoqué le nouveau programme néo-zélandais Jobs for Nature doté de 1,2 milliard NZD, ainsi que la reconnaissance juridique des droits de la nature. Krista Mikkonen, Ministre de l’environnement et des changements climatiques de la Finlande, a instamment plaidé pour : l’intégration de la biodiversité dans tous les aspects du gouvernement, de l’entreprise et de la société ; et pour un participation pleine et effective des peuples autochtones, des communautés locales, des femmes et de la jeunesse.
Sussan Ley, Ministre de l’environnement de l’Australie, a rapporté les progrès accomplis au niveau national, notamment : la récente mise en place de deux nouvelles Aires marines protégées qui placent désormais 45% du territoire maritime sous juridiction nationale sous protection ; le Programme de zones aborigènes protégées ; les efforts intensifs en matière de régénération post-incendies ; et une nouvelle politique nationale en matière de déchets qui prend le virage vers l’économie circulaire. Carolina Schmidt Zaldívar, Ministre de l’environnement du Chili, a évoqué les avancées du pays en matière d’inventaire de son capital naturel, d’intégration des savoirs autochtones, de protection de l’environnement marin, et de développement de son programme sur les zones humides en milieu urbain.
João Pedro Matos Fernandes, Ministre de l’environnement et de la transition énergétique du Portugal, a évoqué les projets pilotes lancés par le pays en matière de paiement pour services écosystémiques, et les politiques de planification spatiale qui relient entre eux les efforts en matière de biodiversité, de changements climatiques et de restauration des sols. Beatrice Anywar Atim, Ministre d’État à l’environnement de l’Ouganda, a indiqué que le pays héberge la moitié de la population mondiale de Gorilles des montagnes, et a décrit les plans d’action nationaux par espèces pour le Gorille des montagnes, l’Éléphant, la Girafe, le Chimpanzé et le Pangolin.
Un représentant s’exprimant au nom de Leila Benali, Ministre de la transition énergétique et du développement durable du Maroc, a présenté les efforts déployés au niveau national pour protéger les habitats clés, notamment les forêts, les zones sèches et semi-sèches, les zones humides et les zones côtières, en mettant particulièrement l’accent sur la stratégie 2020-2030 Forêts du Maroc et sur les aires marines et côtières protégées. Carole Dieschbourg, Ministre de l’environnement, du climat et du développement durable du Luxembourg, s’est focalisée sur les domaines clés où l’ambition nationale et mondiale doit aller au-delà des Cibles d’Aichi, et a mis en exergue que le pays compte 27% d’aires terrestres protégées, ainsi qu’un modèle novateur de paiement des services écosystémiques forestiers.
Céline Caron-Dagioni, Ministre des travaux publics, de l’environnement et du développement urbain de Monaco, a montré l’engagement du pays sur deux zones marines protégées, ainsi que sur la réhabilitation des littoraux, la conservation des espèces terrestres, la revégétalisation des villes et la réduction des déchets. Virginijus Sinkevičius, Commissaire européen à l’environnement, aux océans et à la pêche, a évoqué le Pacte vert européen qui est l’instrument central pour transformer l’économie et les sociétés, avec des cibles à l’horizon 2030 visant à placer sous protection 30% du territoire terrestre et maritime de l’Union, et pour réduire de moitié l’utilisation de pesticides chimiques, qui comporte par ailleurs un engagement à doubler les flux financiers à destination des pays en développement pour la protection de la biodiversité.
Svenja Schulze, Ministre fédérale de l’environnement, de la conservation de la nature et de la sûreté nucléaire de l’Allemagne, a proposé trois éléments clés pour le futur Cadre de la biodiversité, à savoir : des cibles ambitieuses et spécifiques ; des mécanismes efficaces et décisifs de mise en œuvre ; et la diffusion intégrée dans tous les domaines des politiques et de l’économie. Danas Augutis, Vice-ministre de l’environnement de la Lituanie, a mis en lumière comment la biodiversité et les services écosystémiques agissent comme des boucliers contre les désastres naturels, et a évoqué l’accord national sur les forêts, qui prévoit d’élargir le couvert forestier à 45% du paysage national et de promouvoir la certification de foresterie durable.
Une représentante s’exprimant au nom d’Anna Mazmanyan, Ministre adjointe à l’environnement de l’Arménie, a illustré comment un CMB solide donnera des orientations et un élan inestimable aux mesures de mise en œuvre au niveau national, et a mis en exergue quelques-unes des actions du pays, notamment une représentation de 60-70% d’espèces dans les aires protégées qui couvrent 13,1% du territoire arménien. Juliet Kabera, Directrice générale de l’Autorité de gestion de l’environnement du Rwanda, a décrit les actions nationales en matière de résilience climatique, d’espèces menacées, de plastiques à usage unique, de pollution de l’air, de collaboration transfrontalière et d’intégration des questions relatives à la biodiversité dans les programmes scolaires. Elle a mis en exergue l’objectif d’investir 2% du PIB dans la mise en œuvre de la protection de la biodiversité.
Andrej Vizjak, Ministre de l’environnement et de la planification territoriale de la Slovénie, a exprimé le soutien aux démarches d’infrastructure verte, aux solutions axées sur la nature et au virage vers la durabilité de l’agriculture, des systèmes alimentaires, de la pêche et de la foresterie. Teresa Ribera, Ministre de la transition écologique et du défi démographique de l’Espagne, a souligné le besoin de s’attaquer aux modes de consommation, notamment par la coordination internationale vis-à-vis des chaînes d’approvisionnement mondiales.
Tamar Zandberg, Ministre de la protection environnementale d’Israël, a décrit la protection nationale des environnements marins écologiquement uniques, et l’intégration de couloirs écologiques dans l’approche du pays en matière d’aires protégées. Tesfai Ghebreselassie Sebhatu, Ministre de terres, de l’eau et de l’environnement de l’Érythrée, a mis en exergue les défis qu’affronte le pays, notamment en matière de sécheresse et de déforestation, et a décrit les efforts déployés dans la plantation d’arbres, d’enrichissement des sols, et la promotion de la gestion communautaire de la biodiversité.
Richard Brabec, Ministre de l’environnement de la République tchèque, a fait rapport du SPANB récemment adopté au niveau national, qui prévoit d’améliorer la collecte de données et d’asseoir la prise de décision sur des faits scientifiques. Sveinung Rotevatn, Ministre du climat et de l’environnement de la Norvège, a appelé à aligner les flux financiers sur les valeurs de la biodiversité, et a salué le récent lancement de la Coalition LEAF qui vise à réduire les émissions en accélérant le financement forestier. Bhupender Yadav, Ministre de l’environnement, des forêts et des changements climatiques de l’Inde, a rapporté que les aires protégées couvrent désormais plus de 17,4% du territoire national.
Varawut Silpa-archa, Ministre des ressources naturelles et de l’environnement de la Thaïlande, a appelé à donner une certaine flexibilité au CMB pour tenir compte des circonstances et capacités nationales, et a fait référence aux forts engagements de la Thaïlande en matière de biodiversité dans le cadre de sa Stratégie nationale 2018-2037, ainsi qu’une cible visant à élargir les zones vertes jusqu’à couvrir 55% du pays. István Nagy, Ministre de l’agriculture de la Hongrie, a présenté la récente désignation de la Réserve de la biosphère Mura-Drava-Danube par l’UNESCO, qui s’étend sur cinq pays, comme un exemple phare de conservation collective de la biodiversité, sur une zone couvrant 700 kilomètres de rivière et un million d’hectares, cogérée par l’Autriche, la Croatie, la Hongrie, la Serbie et la Slovénie.
Jamil Mutour, Président de l’Autorité pour la qualité de l’environnement de Palestine, a évoqué le besoin de rendre les systèmes économiques et les marchés financiers compatibles avec la conservation de la biodiversité, et a signalé les difficultés financières et autres qu’affronte le pays lorsqu’il développe et met en œuvre des initiatives de conservation. Tõnis Mölder, Ministre de l’environnement de l’Estonie, a illustré comment le pays a pris la tête d’une initiative pour l’adoption d’une stratégie mondiale sur les données environnementales d’ici 2025, et a annoncé une Alliance mondiale pour les données au service de la protection environnementale (DEAL) qui sera lancée à la reprise de la cinquième session de l’Assemblée des Nations Unies sur l’environnement (ANUE) en février 2022.
Andrea Meza Murillo, Ministre de l’environnement et de l’énergie du Costa Rica, a déclaré que reconnaître la nature comme un atout et investir dans sa protection est bon pour la croissance économique et contribue significativement au PIB. Jonathan Wilkinson, Ministre de l’environnement et des changements climatiques du Canada, a souligné que la cible 30-pour-30 est déjà une politique pleinement financée dans son pays et a plaidé pour un objectif global « d’harmonie naturelle d’ici 2030 ».
Lea Wermelin, Ministre de l’environnement du Danemark, a identifié parmi les principaux facteurs qui favorisent la régénération de la biodiversité : la mobilisation de ressources, des mécanismes financiers novateurs, un soutien technique et scientifique, et des garanties de responsabilité. Baomiavotse Vahinala Raharinirina, Ministre de l’environnement et du développement durable de Madagascar, a évoqué les efforts du pays pour lutter contre l’exploitation abusive et illégale des ressources naturelles uniques à travers des plans d’action spécifiques par espèces dans le cadre d’une démarche à l’échelle du paysage. Bounkham Vorachit, Ministre des ressources naturelles et de l’environnement de la République démocratique populaire Lao, a mis en lumière l’interconnexion entre le développement socio-économique et la gestion durable des ressources naturelles avec des garanties environnementales dans son pays.
Siti Nurbaya Bakar, Ministre de l’environnement et des forêts de l’Indonésie, a décrit les progrès accomplis par le pays dans l’évaluation des activités des entreprises du point de vue des risques et dans la construction de partenariats avec les communautés locales. Khin Maung Yee, Ministre des ressources naturelles et de la conservation environnementale du Myanmar, a fait état du renforcement de la gestion des forêts, de l’accélération de la conservation des oiseaux et de la mise en place de 46 aires protégées.
Jean Luc Assis, Ministre de l’environnement et du développement durable de la Côte d’Ivoire, s’est focalisé sur les efforts de conservation déployés par le pays en mettant en exergue des cibles de déforestation zéro, de reboisement et de culture durable du cacao. Mustapha Abid, Chargé d’Affaires de l’Ambassade de Tunisie à Pékin, s’est exprimé en langue arabe et son intervention n’a pas pu être traduite en raison de difficultés techniques.
Le Co-Président Yingmin a conclu la table ronde en soulignant que tous les accomplissements et les ambitions exprimés dans les différentes contributions constituent un fondement solide pour asseoir un CMB ambitieux et pragmatique.
Table ronde B: Combler les lacunes de financement et garantir des moyens pour la mise en œuvre: Cette table ronde a été co-présidée par Guo Lanfeng, Vice-Secrétaire général de la Commission nationale chinoise du développement et de la réforme, et Barbara Pompili, Ministre de la transition écologique de la France.
Le Co-Président Guo a ouvert la discussion en mettant en lumière les initiatives du gouvernement chinois pour renforcer la conversation de la biodiversité, y compris par la création des ressources nécessaires. Il a souligné le besoin de transformer les mécanismes incitatifs en affirmant que le secteur financier va jouer un rôle clé dans la mise en œuvre du CMB, et que la participation du secteur crée des possibilités supplémentaires pour la gouvernance de la biodiversité et pour le développement durable.
La Co-Présidente Pompili a souligné qu’il est impératif : d’identifier et de réformer les subventions néfastes, et de promouvoir les investissements en harmonie avec la biodiversité ; d’utiliser les ressources de façon efficace, en tenant compte des liens entre climat et biodiversité ; et d’extraire des ressources additionnelles du secteur privé. Elle a mis en exergue le travail déployé pour approfondir la compréhension des risques financiers liés à la biodiversité, notamment dans le cadre de la Taskforce sur la transparence des risques financiers liés à l’environnement.
Deux experts ont ensuite introduit le thème de la table ronde. Partha Dasgupta, de l’Université de Cambridge, Royaume-Uni, a déploré que la biodiversité connaisse actuellement un déclin plus rapide que jamais, et a attiré l’attention sur une étude mondiale indépendante relative à l’économie de la biodiversité, publiée en 2021. Il a souligné qu’alors que la nature est notre actif le plus précieux, qu’elle nous livre des services écosystémiques qui soutiennent la vie, elle est souvent considérée comme un acquis immuable. Il a souligné le besoin de nous pencher sur notre empreinte écologique ; de revoir notre façon de mesurer le succès économique en prenant en compte le capital naturel ; et de transformer nos structures institutionnelles, en particulier nos systèmes éducatifs et financiers.
Ma Jun, Président de l’Institut de finance et de durabilité de Beijing, et Président du Comité pour une finance verte, Chine, a décrit les initiatives au niveau national pour mobiliser le capital privé en soutien d’activités vertes, telles que la protection de la biodiversité. Il a mis en exergue le développement de lignes directrices pour la finance verte et des produits financiers verts, ainsi que la mise en place d’incitations pour des investissements écologiquement rationnels. Il a souligné que le déclin de la biodiversité pose de sérieux risques à la stabilité financière, et qu’il touche les activités de nombreux secteurs, y compris la finance. Il a appelé à renforcer les capacités d’évaluation des risques liés à la biodiversité, pour les quantifier et explorer les politiques qui pourraient être pertinentes.
Les ministres se sont ensuite exprimés. Malik Amin Aslam, Ministre des changements climatiques du Pakistan, a souligné que la pandémie de COVID-19 a mis en évidence que « nous avons besoin de la nature en tant qu’alliée, pas en tant qu’adversaire », et a mis en exergue le besoin d’élaborer un cadre financier qui accorde une valeur au capital naturel et qui permette de s’assurer que la valeur ainsi ajoutée soit dûment acheminée vers les communautés locales.
Tsuyoshi Yamaguchi, Ministre de l’environnement du Japon, a : noté que malgré l’échec du programme d’Aichi, des progrès considérables ont été accomplis sur la conservation de la biodiversité au cours de la dernière décennie ; mis en exergue l’objectif 30-pour-30 ; mis en avant le Fonds du Japon pour la biodiversité et l’engagement à verser une contribution additionnelle de 17 millions USD ; et évoqué les projets pertinents dans le cadre de l’Initiative Satoyama.
Shahab Uddin, Ministre de l’environnement, des forêts et des changements climatiques du Bangladesh, a appelé à accélérer la mobilisation des ressources financières requises pour stopper la dégradation de la biodiversité, en renforçant les capacités correspondantes au sein du FEM, du Fonds verts pour le climat et d’autres sources de financement. Orlando Habet, Ministre du développement durable, des changements climatiques et de la gestion des risques de catastrophe du Belize, a martelé que la pandémie de COVID-19 a réduit les capacités des pays en développement à investir dans la protection environnementale, et a demandé l’envoi de soutiens techniques et financiers ciblés et durables par les pays développés, notamment à travers des mécanismes de financement novateurs, permettant d’assurer la mise en œuvre effective du CMB et des ODD.
Eve Bazaiba Masudi, Ministre de l’environnement de la République démocratique du Congo, a appelé à multiplier par deux les flux financiers des pays développés vers les pays en développement pour la conservation de la biodiversité et a suggéré de tirer des ressources additionnelles : de l’intégration de questions liées à la biodiversité dans les secteurs économiques clés, tels que l’industrie minière ; du développement de synergies avec les options d’atténuation ; et du partage juste et équitable des avantages issus de l’utilisation des ressources génétiques.
Soulignant le potentiel de création d’emplois dans le secteur de la biodiversité, notamment dans les zones rurales, Barbara Creecy, Ministre des forêts, de la pêche et de l’environnement d’Afrique du Sud, a décrit les efforts de conservation déployés au niveau national, en particulier la mise en place d’aires protégées, et a appelé à doubler les flux financiers d’ici 2030 à travers un fonds mondial dédié à la biodiversité. Carola Schouten, Vice-Première Ministre et Ministre de l’agriculture, de la nature et de la qualité alimentaire des Pays-Bas, a souligné que le succès du CMB dépendra de la transformation réussie de nos systèmes économiques, en insistant sur le fait que les initiatives non-étatiques vont dans la bonne direction car elles intègrent à quel point nous sommes exposés à des risques financiers en lien avec la nature. Nino Tandilashvili, Vice-Ministre à la protection de l’environnement et de l’agriculture de Géorgie, a décrit les efforts de conservation déployés au niveau national et souligné que la mobilisation de ressources dans le cadre du CMB doit être focalisée sur : la réorientation des ressources qui font du tort ; la création de nouvelles ressources à partir de toutes les sources disponibles ; et une efficacité renforcée de l’utilisation des ressources.
Dario Mihelin, Ambassadeur de Croatie en Chine, a souligné le besoin : d’assurer le soutien politique ; d’être créatifs dans les solutions de financement afin de pourvoir aux moyens nécessaires à la mise en œuvre ; et de développer les synergies entre les politiques en assurant que des considérations relatives à la biodiversité soient intégrées dans toutes les politiques sectorielles. Martelant que la nature est notre actif le plus précieux, Simonetta Sommaruga, Ministre de l’environnement, des transports, de l’énergie et des communications de la Suisse, a appelé à : mobiliser des ressources provenant de toutes les sources disponibles ; rediriger les incitations qui portent préjudice à la biodiversité ; et aligner tous les flux de financement sur le CMB en les reliant à des résultats ayant un impact environnemental positif.
« Nous devons changer notre façon de penser, d’agir et de mesurer le succès », a souligné Zakia Khattabi, Ministre du climat, de l’environnement, du développement durable et du pacte vert de la Belgique, en présentant les efforts nationaux en matière de conservation aux niveaux fédéral et régional, y compris la mise en œuvre d’une stratégie fédérale de financements durables. Les niveaux alarmants de pauvreté actuels révèlent l’interdépendance de la conservation et de l’utilisation durable de la biodiversité, a pour sa part affirmé Joaquim Alvaro Pereira Leite, Ministre de l’environnement du Brésil, en assénant que, sans la création d’un fonds mondial pour la biodiversité soutenu par les pays développés, « nous serons à peine en mesure de mettre en œuvre le CMB », en particulier dans les zones ou domaines qui requièrent de lourds investissements.
Après l’annonce d’une hausse de 50% des fonds nationaux dévolus à la conservation mondiale de la biodiversité, Gerd Müller, Ministre fédéral allemand de la coopération économique et du développement, a noté qu’il est nécessaire : d’impliquer davantage le secteur privé et d’engager les donateurs ; de fixer les bonnes incitations, en s’assurant que les incitations dans le domaine agricole aient un impact environnemental positif à l’échelle mondiale ; et de renforcer la mobilisation de ressources au niveau national pour la protection de la nature. Même les plus petits pays peuvent faire une différence dans les efforts de conservation, a affirmé Costas Kadis, Ministre de l’agriculture, du développement rural et de l’environnement de Chypre, puis il a décrit quelques initiatives nationales ; mis en lumière les interconnexions entre la CDB et d’autres conventions multilatérales compétentes ; et souligné que la Déclaration de Kunming met en exergue les engagements indispensables pour atteindre les objectifs que le monde s’est fixés.
Keriako Tobiko, Secrétaire de cabinet du Ministère de l’environnement et des forêts du Kenya, a centré son intervention sur la fourniture de ressources financières appropriées, sur l’accès aux technologies et sur le renforcement des capacités, en appelant à la mise en place d’un fonds mondial dédié à la biodiversité et de mécanismes de financement novateurs et durables capables de combler les lacunes de financement. Flavien Joubert, Ministre de l’agriculture, des changements climatiques et de l’environnement des Seychelles, a mis en avant des moyens novateurs de financer la conservation de la biodiversité et de faire la transition vers une économie bleue au niveau national, en affirmant que la COVID-19 a modifié le paysage économique et rendu plus difficile la levée de fonds pour la biodiversité.
Le Co-Président Guo Lanfeng a retracé les grandes lignes de la discussion, remercié tous les participants pour leurs contributions, et clos les discussions de la table ronde.
Table ronde C: Conservation de la biodiversité et développement durable : Le Co-Président Zhang Zhanhai, Ingénieur chef au Ministère chinois des ressources naturelles, a déclaré ouverte la discussion en table ronde en estimant que la protection de la biodiversité est bénéfique en termes de développement durable et qu’elle est reliée à des questions qui seront abordées à la CdP 26 à la CCNUCC et au Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires. La pandémie de COVID-19 a montré le lien entre santé humaine et perte de biodiversité, et retardé la réalisation des ODD, a pour sa part affirmé le Co-Président Akif Özkaldi, Vice-Ministre de l’agriculture et des forêts de la Turquie. Il a en outre demandé énergiquement l’alignement des SPANB sur le CMB.
Deux experts ont ensuite introduit le thème de discussion. Luthando Dziba, Co-Président du Panel d’experts pluridisciplinaires de l’IPBES, Afrique du Sud, a expliqué les liens qui existent entre les moteurs directs de la perte de biodiversité, tels que les changements d’utilisation des terres et des mers, la pollution et les espèces exotiques invasives, et les moteurs indirects tels que les facteurs démographiques et économiques. Il a indiqué que la biosphère est contemplée dans les ODD 14 et 15, et qu’elle constitue le substrat nécessaire à des sociétés et des économies saines, car la biodiversité contribue aux ressources en nourriture, aux revenus à travers le tourisme axé sur la nature, et à la création d’emplois. Il a estimé urgent d’agir sur les leviers qui permettent d’assurer la protection effective de la biodiversité, comme la réduction des niveaux de consommation et des déchets.
Gao Jixi, Directeur général du Centre pour les applications environnementales de l’imagerie satellite, Ministère de l’écologie et de l’environnement de la Chine, a martelé que l’avenir de la civilisation dépend de la biodiversité, car c’est elle qui a permis à l’humanité de se développer en servant de base à l’agriculture et à l’industrie. Il a expliqué que la philosophie chinoise accorde une grande valeur à la coexistence harmonieuse des humains et de la biodiversité, et que pour établir un équilibre entre développement économique et protection de la nature, un modèle novateur avec des mesures spécifiquement dédiées à protéger la nature doit être élaboré.
Les ministres ont ensuite pu s’exprimer. Juan Santos Cruz, Ministre de l’environnement et de l’eau de Bolivie, a estimé que nous ne pourrons pas accéder à cette vie en harmonie avec la nature si nous nous plaçons d’un point de vue anthropocentré, et qu’il faudra au contraire considérer la nature comme un tout et reconnaître les droits de notre mère la Terre. Pem Narayan Kandel, Secrétaire du Ministère des forêts et de l’environnement du Népal, a instamment plaidé en faveur de la préservation de la biodiversité, des écosystèmes et des ressources génétiques, notamment en faisant participer les communautés à la gestion de la biodiversité.
Ivan Kushch, Directeur du Département pour la coopération internationale et les changements climatiques de Fédération de Russie, a parlé de la gestion des forêts et des ressources en eau, y compris par l’industrie hydroélectrique, et a souligné que le CMB doit respecter la souveraineté nationale sur les ressources naturelles. Per Bolund, Ministre de l’environnement et des changements climatiques, et Vice-Premier ministre de la Suède, a estimé urgent de résoudre les défis environnementaux, notamment en réduisant l’empreinte écologique globale, plutôt que de les transmettre à la génération suivante qui demande énergiquement des changements.
La perte de biodiversité se poursuit à un rythme alarmant, a noté Irena Vujović, Ministre de la protection environnementale de la Serbie, et a appelé à intégrer la biodiversité dans tous les secteurs. Céline Tellier, Ministre au Ministère wallon de l’environnement, de la nature, du bien-être animal et de la rénovation rurale, Belgique, a souligné les effets inédits des changements climatiques, le risque croissant de voir des maladies animales se transmettre à l’homme, et la nécessité de trouver des solutions qui préservent la biodiversité, remettent en état les écosystèmes et réduisent la proportion d’espèces menacées.
Guðmundur Ingi Guðbrandsson, Ministre de l’environnement et des ressources naturelles de l’Islande, a martelé que le statu quo n’est plus tenable, qu’il est impératif d’intégrer la gestion durable des ressources et les actions de conservation de la biodiversité, et que les incitations perverses doivent être réorientées ou supprimées. Samia Moualfi, Ministre de l’environnement de l’Algérie, a souligné l’importance du renforcement des capacités, de la lutte contre la désertification et de préserver les systèmes écologiques tout en partageant les avantages découlant des ressources génétiques.
Zac Goldsmith, Ministre d’État au Département des affaires environnementales, alimentaires et rurales du Royaume-Uni, a dit qu’il est urgent de trouver des solutions axées sur la nature, de réfléchir à la vraie valeur de la nature dans la prise de décisions, de rompre le lien entre les chaînes d’approvisionnement de biens et la déforestation, et de réconcilier économie et environnement. Desmond Lee, Ministre du développement national de Singapour, a noté que partout dans le monde les villes grandissent très vite et a recommandé de tendre vers le développement durable pour faire en sorte que ces villes restent vivables et tisser des espaces de nature dans la trame des environnements urbains.
Juan Cabandié, Ministre de l’environnement et du développement durable de l’Argentine, a estimé que la crise économique, sociale et environnementale que connaît le monde actuellement, associée à la crise de la dette que subissent de nombreux pays, nous pousse à imaginer des solutions financières novatrices telles que les trocs « dette contre action », visant à compenser le coût de la conservation des écosystèmes qui revêtent une importance pour la planète toute entière. Takiyuddin Hassan, Ministre de l’énergie et des ressources naturelles de la Malaisie, a estimé que le CMB devrait reconnaître les responsabilités communes mais différenciées et rester flexible. Il a salué les initiatives visant à ce que le développement économique ne se fasse pas au dépend des ressources naturelles, notamment les cadres de financement qui permettent l’investissement privé et assurent le partage des bénéfices tirés de l’utilisation des ressources biologiques.
María Luisa Albores González, Ministre de l’environnement et des ressources naturelles du Mexique, a appelé à promouvoir la prise de conscience écologique pour motiver un développement vraiment durable et fixer des cibles ambitieuses pour le CMB. Rubén Ramírez Mateo, Ministre de l’environnement du Pérou, a décrit les efforts déployés au niveau national pour inverser la perte de biodiversité, notamment la gestion plurisectorielle et décentralisée des zones humides, et a souligné que le CMB constitue une opportunité pour adopter des mesures d’aide au plus vulnérables à l’échelle mondiale, y compris en matière de conservation des régions montagneuses et de réduction des risques de catastrophe.
Gustavo Manrique Miranda, Ministre de l’environnement et de l’eau de l’Équateur, a évoqué les efforts de conservation au niveau national visant à réaliser la vision d’une transition écologique vers une économie circulaire à faibles émissions, et a appelé à lancer une évaluation transparente, avec une méthodologie scientifique, des tendances actuelles et futures de la biodiversité, ainsi qu’à mettre en place un mécanisme de financement robuste qui facilite la mise en œuvre du CMB. Josué Lorca, Ministre du pouvoir populaire pour l’écosocialisme, du Venezuela, a expliqué l’engagement du pays en faveur de la conservation de la biodiversité à travers la promotion de l’écosocialisme ; déploré les difficultés liées aux sanctions unilatérales ; mis en lumière les efforts nationaux de conservation ; et souligné le principe de responsabilités communes mais différenciées, en appelant les pays développés à fournir les moyens nécessaires à la mise en œuvre.
Elba Rosa Pérez Montoya, Ministre au Ministère de la science, de la technologie et de l’environnement de Cuba, a souligné le besoin de faire cesser la destruction de l’environnement qui est générée par les modes de production et de consommation non durables « de ceux qui se sentent égoïstement à l’aise avec le statu quo », et a déploré les sanctions unilatérales, en mettant en avant les solutions axées sur la nature pour protéger, gérer durablement et restaurer les écosystèmes endommagés, et promouvoir l’action climatique. Pearnel Charles Jr., Ministre du logement, du renouvellement rural, de l’environnement et des changements climatiques de la Jamaïque, a mis en lumière le lien entre perte de biodiversité et changements climatiques en appelant à appliquer des solutions axées sur la nature pour lutter contre les impacts à long terme, et a appelé à fournir des moyens adéquats de mise en œuvre et à élaborer et appliquer un indice de vulnérabilité comprenant un paramètre relatif à la vulnérabilité environnementale.
Orlando Jorge Mera, Ministre de l’environnement et des ressources naturelles de la République dominicaine, a évoqué les efforts nationaux pour établir et surveiller des aires protégées et gérer les espèces exotiques invasives, et a demandé des ressources financières adéquates, le renforcement des capacités ainsi qu’une coopération Sud-Sud pour assurer la bonne mise en œuvre. Han Jeoung-ae, Ministre de l’environnement de la République de Corée, a exprimé la volonté de son pays de servir de pont entre les pays développés et les pays en développement dans les efforts visant à stopper la perte de biodiversité et lutter contre les changements climatiques, en attirant l’attention sur l’objectif national de neutralité carbone à l’horizon 2050, sur les stratégies intersectorielles à moyen et long terme, et sur le Nouveau pacte vert qui conduira à investir 52 milliards USD dans des politiques de réduction des émissions, dans l’expansion des aires protégées et dans le renforcement de la recherche-développement.
Roberto Cingolani, Ministre de la transition écologique de l’Italie, a souligné que le CMB ne sera efficace que si nous modifions le mode de fonctionnement du système financier. Il a par ailleurs appelé à renforcer la prévention et la préparation grâce à la recherche, l’innovation et le renforcement des capacités ; et souligné qu’il n’existe pas de solutions prêtes-à-porter, en appelant à adopter une démarche intégrale avec de solides bases scientifiques. Adrián Peña, Ministre de l’environnement de l’Uruguay, a mis en lumière les efforts mis en œuvre au niveau national pour inverser la perte de biodiversité et promouvoir son utilisation durable dans les écosystèmes uniques qu’abrite le pays, notamment en créant un directoire financier pour la biodiversité et les services écosystémiques au sein du Ministère de l’environnement.
Rashid Mekki Hassan, Secrétaire général du Haut conseil pour l’environnement et les ressources naturelles du Soudan, a évoqué le SPANB du pays, qui comprend des initiatives sur les aires protégées, les espèces exotiques invasives et la conservation des espèces végétales menacées, ainsi que des outils d’évaluation des impacts environnementaux et sociaux, et a souligné que les communautés locales doivent être pleinement impliquées dans les phases de planification et de mise en œuvre. Nyamjav Urtnasan, Ministre de l’environnement et du tourisme de la Mongolie, a mis en lumière la vision nationale à l’horizon 2050, qui comprend une section spéciale sur le développement vert, et a par ailleurs décrit les efforts déployés en matière d’aires protégées, de ressources en eau douce, de conservation de la biodiversité et de lutte contre la désertification, ainsi qu’une initiative de reboisement prévoyant de replanter un milliard d’arbres d’ici 2030.
Décrivant d’immenses défis, comme les épisodes météorologiques destructeurs, l’acidification des océans, l’érosion côtière, l’extraction minière et l’abattage forestier, Mahendra Reddy, Ministre de l’agriculture, des cours d’eau et de l’environnement des Fidji, a exposé : le SPANB 2020-2025 des Fidji et les initiatives qui en découlent ; le fait qu’il s’agit du premier petit État insulaire en développement à adopter une législation relative au climat, visant la neutralité carbone à l’horizon 2050 ; et le Sommet sur les systèmes alimentaires qui vise à trouver une méthode inclusive pour transformer les systèmes alimentaires locaux. Alexander Korbut, Ministre adjoint de Biélorussie aux ressources naturelles et à la protection de l’environnement, a mis en lumière les efforts déployés au niveau national pour enrayer la perte de biodiversité, dont : la désignation et gestion d’aires protégées ; la protection des espèces menacées ; la mise en place d’un centre national pour la gestion des ressources génétiques ; et la protection des zones marécageuses.
Le Co-Président Zhang a dressé une synthèse des discussions, en remerciant les participants pour leurs contributions.
Table ronde D: Connaissances, innovation et partage des avantages : La session a été co-présidée par Zhang Yaping, Vice-Président de l’Académie chinoise des sciences, et Carlos Eduardo Correa Escaf, Ministre de l’environnement et du développement durable de la Colombie.
Dans ses remarques d’ouverture, le Co-Président Zhang a évoqué l’importance de générer, préserver et partager les connaissances issues de sources diverses pour être en mesure d’arrêter la perte de biodiversité. Le Co-Président Correa Escaf a expliqué comment la bioéconomie crée de nouveaux produits, services et emplois tout en utilisant la biodiversité de façon durable, et comment les mécanismes de partage des avantages ajoutent de la valeur à la fois à la biodiversité et à de nombreux secteurs économiques.
Deux experts ont introduit le thème de discussion. Rachel Wynberg, de l’Université de Cape Town, Afrique du Sud, a averti que l’actuelle perte de biodiversité, qui est totalement sans précédent, entraîne aussi la perte des cultures, des connaissances et des innovations qui se sont développées parallèlement à la relation qu’entretiennent les peuples avec la nature, en particulier les PACL. Elle a souligné que pour soutenir la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité, nous devons : reconnaître l’importance de tous les systèmes de savoir ; être en quête permanente de technologies nouvelles et émergentes ; et reconnaître que notre monde est changeant par nature, ce qui crée une nécessité permanente d’ajustement.
Ma Keping, Professeur à l’Institut de botanique de l’Académie chinoise des sciences, a souligné que parce que la plupart des pays méga-divers sont encore en développement, le succès de la mise en œuvre du CMB va dépendre du partage équitable des connaissances et des avantages. Il a souligné l’importance de la coopération internationale pour le partage des données et des technologies ; signalé les lacunes qui existent dans les connaissances et les capacités, en suggérant la pleine intégration des systèmes de connaissances autochtones et locaux ; noté que l’innovation peut se produire à divers niveaux ; et mis en lumière le besoin d’assurer l’engagement de toutes les parties prenantes ainsi que le renforcement de leurs capacités pour faire naître un sentiment de co-appropriation et maximiser les synergies.
Les ministres se sont exprimés ensuite. Sussan Ley, Ministre de l’environnement de l’Australie, a illustré la façon dont le partage international de connaissances s’est avéré crucial pour lutter contre la perte de biodiversité en lien avec des événement météorologiques extrêmes, et a souligné que les savoirs traditionnels des peuples aborigènes du pays ont une valeur inestimable du point de vue de la régénération de la biodiversité. Nancy Tembo, Ministre des forêts et des ressources naturelles du Malawi, a mis en exergue la coopération avec les détenteurs de savoirs traditionnels à des fins de recherche, au bénéfice de l’agriculture et d’autres secteurs du pays, et a souligné qu’il est important de mettre en place des mécanismes détaillés de partage des avantages.
Ali Apong, Ministre des ressources primaires et du tourisme de Brunei Darussalam, a lu une déclaration conjointe du pays et de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN) et a souligné l’importance de la coopération internationale et de la collaboration, ainsi que celle du transfert de technologies, des innovations et des connaissances. Aminath Shauna, du Ministère de l’environnement, des changements climatiques et de la technologie des Maldives, a décrit les efforts du pays en matière de protection de la biodiversité et de lutte contre les changements climatiques, en citant particulièrement le blanchissement des coraux, et en plaidant pour des innovations abordables, faciles d’accès et spécifiques aux réalités insulaires.
Siyabonga Cwele, Ambassadeur d’Afrique du Sud en Chine, a mis en lumière les initiatives prises au niveau national pour mettre en application les dispositions du Protocole de Nagoya, en soulignant que la réalisation des objectifs de développement demande des moyens de mise en œuvre prévisibles, appropriés et accessibles. Spencer Thomas, Ambassadeur et Envoyé spécial pour les Accords multilatéraux sur l’environnement, du Ministère du tourisme, de l’aviation civile, de la résilience climatique et de l’environnement de la Grenade, a mis en exergue le lien direct qui existe entre faciliter l’accès à la biodiversité, les changements climatiques et le financement du développement, et l’importance de combler les lacunes en matière de connaissances, de technologies et d’innovation, en appelant à lancer une analyse de ces lacunes, y compris les besoins en matière de capacités technologiques, d’éducation et de sensibilisation du public, une démarche de la société dans son ensemble, l’intégration de la biodiversité, et sa prise en compte dans les budgets nationaux.
Osama Ibrahim Faqeeha, Vice-Ministre de l’environnement de l’Arabie saoudite, a évoqué la Vision saoudienne à l’horizon 2030, en décrivant les éléments du cadre stratégique visant à réduire la dépendance du pays vis-à-vis du pétrole, à diversifier son économie et à développer le secteur des services publics, tout en soulignant également des initiatives aux niveaux régional, local et infra-local. Eskandar Zand, Conseiller du Ministre de l’agriculture de l’Iran, a souligné le besoin d’assurer l’accès aux technologies liées au plasma germinatif, conformément aux dispositions du Protocole de Nagoya, et a déploré les sanctions unilatérales qui entravent les efforts de conservation, en mettant en garde contre la politisation des questions environnementales.
Pour Andreas Riecken, Ambassadeur d’Autriche en Chine, se mettre d’accord sur des cibles à atteindre est insuffisant car celles-ci « doivent ensuite prendre vie » ; il a attiré l’attention sur les impacts positifs des nouvelles technologies, y compris en matière de collecte de données et d’échange de connaissances, tout en signalant les effets négatifs potentiels et soulignant de ce point de vue l’approche de précaution ainsi que l’évaluation et la gestion pertinente des risques. Edilberto Leonardo, Sous-secrétaire du Département de l’environnement et des ressources naturelles des Philippines, a souligné et soutenu les engagements proposés dans le projet de la Déclaration de Kunming concernant l’intensification des efforts visant à assurer un partage juste et équitable des avantages, et le renforcement de la gestion des biotechnologies.
Malcolm Noonan, Ministre d’État irlandais au patrimoine et à la réforme électorale, a décrit les progrès accomplis par le pays dans la ratification et la mise en œuvre du Protocole de Nagoya, qui est intégré au régime de due diligence de l’UE pour l’utilisation des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées. Edita Djapo, Ministre du tourisme et de l’environnement de la Bosnie-Herzégovine, a mis en lumière des instruments régionaux comme le Programme vert des Balkans occidentaux dans le contexte des stratégies environnementales nationales.
Lee White, Ministre de l’eau, des forêts, des mers et de l’environnement du Gabon, a présenté des solutions en matière d’intégration des sciences, de la technologie et des systèmes locaux de connaissances pour modifier les comportements, notamment les systèmes de cartographie participative et de suivi des bateaux par satellite. Sultan Al Hebsi, Sous-secrétaire du Ministère des changements climatiques et de l’environnement des Émirats arabes unis, a de nouveau souligné l’importance d’orienter l’innovation, le renforcement des capacités et le transfert de connaissances vers une meilleure protection et conservation de la biodiversité.
Alejandro Espinosa Calderón, Secrétaire exécutif de la Commission mexicaine inter-secrétariats pour la biosécurité des organismes génétiquement modifiés, a plaidé pour la reconnaissance des droits des PACL au nom de leurs contributions historiques en matière de domestication et de diversification des cultures agricoles communément utilisées dans le monde, comme celle des poivrons, du coton, des haricots, des courges et du maïs, en défendant également l’inclusion de considérations de biosécurité dans le CMB. Cynthia Asare Bediako, du Ministère de l’environnement, des sciences, des technologies et de l’innovation du Ghana, s’est dite préoccupée par l’avenir du Protocole de Nagoya au vu de l’état actuel des négociations sur l’ISN.
Dans son propos de clôture, le Co-Président Zhang a énuméré les thèmes de cette discussion en soulignant l’importance de maintenir les activités de recherche et d’innovation, ainsi que le transfert de connaissances et de technologies, et le partage des avantages.
Plénière de clôture: Mercredi, le Président de la CdP 15 Huang Runqiu a clos la plénière du segment de haut niveau. Les Co-Présidents des tables rondes, Zhao Yingmin, Barbara Pompili, Zhang Zhanhai et Zhang Yaping, ont fait rapport à la plénière des principaux thèmes abordés, et des actions et ambitions annoncées dans les discussions de leurs tables rondes respectives.
Le Président de la CdP Huang a présenté la Déclaration de Kunming et annoncé son adoption, en remerciant les Parties et les observateurs pour leurs retours sur les différentes versions de ce document et en indiquant que celui-ci reflète la forte détermination et l’élan politique de la communauté de la biodiversité. Il a ensuite cédé la parole aux participants pour les déclarations régionales.
Le Costa Rica, au nom du GRULAC, a affirmé que la COVID-19 a aggravé les inégalités entre pays développés et pays en développement, et que la fourniture de moyens de mise en œuvre appropriés est capitale pour assurer l’efficacité du CMB. La déléguée a souligné que le GRULAC s’est engagé à enrayer la perte de biodiversité et à œuvrer de façon équilibrée sur les trois objectifs de la CDB.
L’Inde, au nom du GROUPE ASIE-PACIFIQUE, a souligné que nous nous trouvons à un instant critique de l’histoire où nous devons agir et nous engager sur un CMB ambitieux et transformateur.
L’UE a rappelé aux délégués que le monde a échoué dans sa poursuite des Cibles d’Aichi et qu’il doit désormais s’engager, entre autres, à : agir de toute urgence et entreprendre une profonde transformation ; mettre en place un mécanisme de suivi efficace ; protéger adéquatement les environnements marins et côtiers, y compris la haute mer et les grands fonds marins ; garantir les droits humains des groupes vulnérables ; et supprimer les incitations ayant des effets néfastes sur la biodiversité.
L’Islande, s’exprimant également au nom de l’Australie, du Canada, de la Nouvelle-Zélande, d’Israël, de Monaco, de la Norvège, de la République de Corée, de la Suisse, du Royaume-Uni et des États-Unis, tous membres du GROUPE JUSCANZ, a estimé qu’il reste beaucoup à faire pour adopter un CMB réellement ambitieux et efficace, et a rappelé aux délégués que la partie la plus dure du travail est dans la mise en œuvre, qui ne se déroule pas dans les salles de conférence mais sur le terrain.
Le Sénégal, au nom du GROUPE AFRICAIN, a estimé qu’il est urgent de mobiliser les ressources nécessaires pour renverser la tendance de la perte de biodiversité, notamment en établissant un fonds international dédié à la biodiversité.
Le FIAB a appelé les Parties à dépasser le stade des aires protégées et à reconnaître les territoires autochtones, dans le respect des principes d’auto-désignation, d’autodétermination, d’auto-gouvernance et de consentement libre, informé et préalable au bénéfice des peuples autochtones. Les AUTORITÉS INFRANATIONALES ET LOCALES se sont dites aux avant-postes de la lutte contre le déclin de la biodiversité, qui exige une approche à l’échelle des ensembles gouvernementaux engageant tous les niveaux de gouvernance.
L’ALLIANCE POUR LA CDB a estimé urgent de se pencher sur la prise de contrôle corporatiste et sur l’architecture mondiale de la finance, et de mettre en œuvre une gouvernance équitable, prenant appui sur les droits humains et dans une démarche axée sur les écosystèmes, plutôt que sur le concept trompeur de solutions axées sur la nature. Le CAUCUS DES FEMMES DE LA CDB a appelé à établir un environnement propice avec les femmes au centre de la future protection de la biodiversité. Le groupe des ONG INTERNATIONALES a instamment plaidé pour un CMB solide avec des jalons et des cibles clairs et mesurables, en affirmant qu’il est inacceptable d’attendre 10 ans pour entreprendre une vérification et de se montrer ensuite surpris que les objectifs ne soient pas atteints.
L’organisation NATURA & CO, représentante de la communauté des entreprises, a plaidé en faveur d’un accord au sein duquel la nature se voie accorder la véritable valeur, avec des cibles claires pour les pays et les entreprises, comme c’est déjà le cas pour la protection du climat dans le cadre de l’Accord de Paris. Le GROUPE MENGNIU, représentant des entreprises chinoises, a reconnu une augmentation des pressions environnementales due à l’élévation des niveaux de vie, mais s’est dit convaincu que le développement économique et la protection environnementale peuvent et doivent être complémentaires. AMUNDI, représentant du secteur de la finance, a soutenu un CMB ambitieux et une réglementation plus stricte pour enrayer la perte de biodiversité avec des directives explicites et claires pour mobiliser les ressources financières.
Le CONSORTIUM DES PARTENAIRES SCIENTIFIQUES, représentant des universités et des instituts de recherche, s’est engagé à se placer aux avant-postes de l’innovation, de la créativité et des découvertes qui soutiendront un changement transformateur avec une vaste gamme d’expertises, de données, d’outils et de techniques ; et a appelé à renforcer la collaboration internationale et intersectorielle, notamment par le financement suffisant des opportunités de carrière, en particulier dans le domaine de la taxonomie. Le RMBJ a réfléchi à ce que signifie « être courageux », en exhortant les responsables mondiaux à se pencher sur les racines de la crise actuelle de la biodiversité et à entendre la voix des générations futures.
La Secrétaire exécutive du la CDB Mrema a souligné l’objectif général de réduire, stopper et inverser la perte de biodiversité, pour mettre la diversité biologique sur la voie de sa régénération d’ici 2030 et atteindre à l’horizon 2050 la vision d’une vie en harmonie avec la nature. Elle a signalé les engagements encourageants pris à l’occasion du segment de haut niveau par la Chine, l’UE, le Japon, les organisations philanthropiques, les organisations intergouvernementales et d’autres participants. Elle a estimé que la Déclaration de Kunming va dans la bonne direction, en mettant en exergue l’intégration de la biodiversité, la réorientation des subventions, et la participation pleine et effective des PACL, et a appelé à établir un CMB ambitieux.
Le Président de la CdP Huang s’est félicité de la richesse des discussions au cours du segment de haut niveau, et du lancement sans encombre de la Déclaration de Kunming. Il a remercié tous les participants pour leur engagement et leur souplesse, et a clos le segment de haut niveau le mercredi à 16h51, heure de Kunming (UTC+8).
Déclaration de Kunming
La Déclaration de Kunming a été adoptée par le segment de haut niveau de la première partie de la CdP 15 le mercredi 13 octobre 2021. La Déclaration:
- Souligne que la diversité biologique, ainsi que les fonctions et les services qu’elle procure, soutiennent toutes les formes de vie sur Terre, ainsi que la santé humaine et planétaire, le bien-être, la croissance économique et le développement durable ;
- Exprime une profonde inquiétude quant au fait que les progrès accomplis n’aient pas été suffisants pour réaliser les Objectifs d’Aichi pour la biodiversité ;
- Reconnaît que les crises sans précédent et interdépendantes de l’appauvrissement de la diversité biologique, des changements climatiques, de la désertification et dégradation des sols, et de la dégradation et pollution des océans, sont la conséquence de plusieurs moteurs de changements sous-jacents ;
- Souligne que des mesures intégrées et urgentes ainsi que des changements transformationnels s’imposent dans tous les secteurs de l’économie et à l’échelle de la société toute entière ;
- Prend note du souhait de plusieurs pays d’établir la cible dite 30-pour-30 (qui consiste à protéger et conserver 30% des terres et des mers au moyen de réseaux bien reliés d’aires protégées et autres mesures de conservation d’ici à 2030) ; et
- Déclare que mettre la diversité biologique sur la voie du rétablissement est un défi qui définira cette décennie.
Les ministres et autres chefs de délégation s’engagent à :
- Garantir l’élaboration, l’adoption et la mise en œuvre d’un CMB efficace, qui comprend l’offre des moyens nécessaires à sa mise en œuvre, ainsi que des mécanismes convenables de suivi, d’établissement de rapports et d’examen ;
- Faire collaborer leur gouvernement respectif pour promouvoir l’intégration de la diversité biologique dans nos politiques, réglementations, processus de planification, stratégies de réduction de la pauvreté et processus de comptabilité économique ;
- Accélérer et renforcer le développement et la mise à jour des SPANB;
- Améliorer l’efficacité et le taux de couverture de la conservation et de la gestion des espaces à l’échelle mondiale, notamment en reconnaissant les droits des PACL et en garantissant leur pleine participation ;
- Intensifier les efforts visant à garantir les objectifs du Protocole de Nagoya, en tenant compte du contexte de l’ISN ;
- Renforcer le développement, l’évaluation, la réglementation, la gestion et le transfert des biotechnologies appropriées ;
- Accroître l’application d’approches axées sur les écosystèmes pour garantir des bienfaits à l’échelle des dimensions économique, sociale et environnementale du développement durable, afin de lutter contre l’appauvrissement de la diversité biologique, restaurer les écosystèmes dégradés, augmenter la résilience, atténuer les changements climatiques et s’adapter à ceux-ci, soutenir la production alimentaire durable, et promouvoir la santé;
- Renforcer les mesures dédiées aux écosystèmes marins et côtiers ;
- Veiller à ce que les politiques, programmes et plans de relance post-pandémie contribuent à la conservation et à l’utilisation durable de la biodiversité ; et
- Collaborer avec les ministères chargés des finances et de l’économie pour, entre autres, éviter, éliminer progressivement ou réformer les subventions et autres mesures d’encouragement nuisibles à la diversité biologique.
Brève analyse de la Conférence des Nations Unies sur la biodiversité (Première partie)
Sommes-nous ceux que nous avons besoin d’être ?
Josefa Cariño Tauli, Leaders de la jeunesse autochtone
La crise de la biodiversité, qui s’ajoute aux autres crises environnementales actuelles, constitue une grave menace pour la survie de l’humanité. À ce jour, les efforts déployés se sont avérés inappropriés et fragmentés, incapables de stopper cette course à la destruction : la perte de biodiversité s’est accélérée à des points jamais atteints dans toute l’histoire de l’humanité. Le Cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020 (CMB) est censé faire face à cette crise et placer l’humanité sur la voie de la régénération d’ici 2030, avec pour objectif la vision 2050 de la Convention sur la diversité biologique (CDB) de vivre en harmonie avec la nature.
La COVID-19 a porté un coup à l’élaboration du CMB. Le cadre devait être adopté en octobre 2020 mais ne sera finalement approuvé qu’en mai 2022, à condition que tout se déroule comme prévu. Les travaux se sont poursuivis virtuellement malgré les difficultés et les retards, et les Parties ont salué les efforts ayant permis de convoquer cette première partie de la 15e Conférence des Parties (CdP15) et les réunions correspondantes des protocoles de la CDB.
Cette première partie de la CdP 15 était de nature introductive. La plénière a essentiellement fixé l’indispensable ordre du jour, en assurant notamment l’existence d’un budget provisoire pour permettre le fonctionnement normal de la Convention en 2022. La réunion avait tout de même une certaine importance politique, car elle était censée maintenir l’élan et attirer l’attention des responsables politiques, et tel a été le cas grâce au segment de haut niveau.
La communauté de la CDB est désormais en route vers deux réunions d’importance capitale –la première en janvier, à Genève, pour les sessions de reprise des organes subsidiaires de la CDB et du Groupe de travail sur le CMB, et la seconde en avril à Kunming, pour la deuxième partie de la Conférence des Nations Unies sur la biodiversité ; entretemps, tous les regards seront tournés vers le CMB. De ce point de vue, deux questions d’ordre général dominent le débat : le niveau d’ambition du CMB, qui sera défini par son contenu et les cibles correspondantes ; et sa mise en œuvre, qui doit débuter le 9 mai 2022, au lendemain de la clôture de la CdP 15, car la COVID-19 a déjà considérablement ralenti la mise en œuvre. La première partie de la CdP 15 a donné quelques pistes utiles concernant ces deux aspects.
Ambition
Les contenus du segment de haut niveau autorisent un certain optimisme si l’on se place du point de vue de la variété d’initiatives de conservation déployées dans le monde entier, car c’est le signe indicateur d’un mouvement général dans le bon sens. Cependant, toutes les données, y compris la récente cinquième édition du Rapport sur l’état de la biodiversité à l’échelle mondiale (GBO-5), montrent que tel n’est pas vraiment le cas. La multiplication des initiatives environnementales est certes une accumulation de pas en avant, mais même additionnées les unes aux autres, toutes ces initiatives sont très loin d’être suffisantes. Voilà pourquoi le processus d’Aichi s’est finalement soldé par un échec sur la plupart des cibles fixées, a déploré un délégué, et d’autres processus, comme les négociations sur le climat, connaissent des difficultés du même ordre.
Ce qui a par ailleurs davantage inquiété de nombreux observateurs assidus des négociations sur la biodiversité, c’est que les interventions ministérielles étaient beaucoup plus « vertes » que les positions adoptées par les pays lors des négociations du CMB. Il y a sans doute une volonté politique forte et un sens certain de l’urgence à s’attaquer aux problèmes exposés, mais le décalage entre le contenu des interventions de haut niveau et les réalités pragmatiques de la négociation doit absolument être corrigé si les gouvernements souhaitent vraiment adopter un CMB ambitieux. Il est aujourd’hui impossible de savoir si cela va effectivement se produire. En outre, si un système mondial de gouvernance environnementale basé sur le consensus est une noble idée, qui garantit que personne ne soit laissé pour compte politiquement, ce système « ne peut par définition produire que des résultats conformes au plus petit dénominateur commun », à des années-lumière du niveau d’ambition considéré comme nécessaire, a expliqué un délégué.
D’abord, comme l’a souligné un représentant de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), le fait de placer sous protection 30% de la planète sera sans effet si nous détruisons les 70% restants. Ensuite, et plus sérieusement encore, se fixer des objectifs uniquement en termes de conservation n’est pas suffisant. Comme l’a signalé un vétéran de ce processus, les Cibles d’Aichi sur les aires protégées ont presque été atteintes mais cela n’a rien changé à nos modèles de comportement destructeurs sur les dix dernières années.
Se focaliser seulement sur des objectifs de conservation n’est pas simplement insuffisant : cela peut aussi devenir la recette d’un nouvel échec. Par exemple, le fait d’atteindre une cible ambitieuse de réduction des taux d’extinction des espèces sera le produit d’activités, de politiques et de changements comportementaux qui dépassent la seule communauté de la biodiversité et le CMB, comme l’a si bien fait remarquer une participante. Peu importe le nombre d’aires protégées établies, a-t-elle ajouté, si les températures moyennes de la planète augmentent à cause de l’échec de l’Accord de Paris et de l’insuffisance des Contributions déterminées au niveau national (CDN), le drame de l’extinction ne pourra que s’intensifier. Comme l’a conclu un autre délégué, la nécessité d’une approche intégrée est mise en évidence par le fait qu’aucune cible, ou presque, ne pourra être atteinte en se bornant au seul champ d’application de la CDB.
Dans leurs interventions, de nombreux participants ont admis que pour inverser le déclin de la diversité biologique, il est impératif de s’attaquer à ses moteurs directs et indirects. Certains ont souligné que la capacité à désamorcer les moteurs indirects, y compris la structure de nos économies et les aspects sociopolitiques, sera déterminante vis-à-vis du niveau d’ambition du CMB. À ce sujet, ils ont mis en exergue l’importance des décisions à venir sur l’intégration de considérations relatives à la biodiversité dans tous les secteurs de l’économie, notamment l’agriculture, les forêts et la pêche, et en particulier sur les subventions correspondantes. Le niveau d’ambition peut aussi être élevé par la refonte de nos modes de production et de consommation non durables, en agissant sur nos modèles de financement et en intégrant la valeur économique des services écosystémiques dans toutes les prises de décisions.
La CDB ne peut à elle seule changer le statu quo, qui est le facteur central qui définit les positions à l’heure de négocier, et cela explique en partie le décalage entre les négociateurs et les ministres environnementaux. Le positionnement final des négociateurs et leurs lignes rouges dans les discussions de la CDB sont souvent le résultat de compromis entre les intérêts concurrents des différents ministères. Ainsi, la vision exprimée par un ministre de l’environnement au cours d’un segment de haut niveau et la position adoptée par le même pays dans les négociations ne coïncident que très rarement, comme l’a fait remarquer un vétéran. Il a d’ailleurs noté, à cet égard, que les résultats de certaines négociations en cours, comme celles relatives aux subventions de la pêche dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce, seront sans doute des indicateurs assez clairs du niveau d’ambition général qui sera celui du CMB.
Mise en œuvre
Adopter un CMB ambitieux n’est toutefois qu’une partie de la bataille. Sans une mise en œuvre effective, le CMB pourrait bien suivre le même chemin que les Cibles d’Aichi.
Comme l’a noté un participant d’un pays en développement Partie, nous sommes tous bien conscients des éléments requis pour une mise en œuvre réussie : le renforcement des capacités, le transfert de technologies, le soutien technique, la coopération Sud-Sud et d’autres formes de coopération, la prise en compte de la problématique de genre, l’intégration des savoirs traditionnels et locaux, la sensibilisation et la participation du public, et la transparence, pour n’en citer que quelques-uns. Si la liste est longue, lorsque les pays en développement parlent de moyens de mise en œuvre, ils sont en fait spécifiquement préoccupés par le financement.
De ce point de vue, la réunion a apporté des bonnes et des mauvaises nouvelles.
Les bonnes nouvelles sont que le Président chinois Xi Jinping a annoncé le lancement du Fonds de Kunming pour la biodiversité, doté de 1,5 milliard de yuans, soit environ 232 millions de dollars américains. Le Japon a pour sa part annoncé la seconde phase du Fonds du Japon pour la biodiversité, avec un nouveau versement de 17 millions de dollars. La donation de 5 milliards de dollars par neuf organisations philanthropiques majeures a également été confirmée.
D’autres promesses ont été faites en matière d’investissements favorables à la nature au niveau national. Quelques annonces vont devoir être clarifiées, comme celle de la France qui affirmait vouloir consacrer 30% du financement de l’action climatique à la conservation de la biodiversité. Cela serait sans doute significatif pour la biodiversité si c’était fait à un niveau international, a estimé un participant, mais ce ne serait pas une victoire du point de vue de la protection environnementale en général, puisqu’il ne s’agirait pas des nouveaux fonds, mais des fonds existants simplement réorientés. Dans la même veine, le Royaume-Uni a indiqué que 3 milliards de dollars de sa contribution climatique seraient investis dans la nature et dans des solutions axées sur la nature.
Pour ce qui est des bonnes nouvelles, il y a aussi la lettre ouverte de 12 PDG d’entreprises multinationales adressée aux leaders mondiaux, qui montre un soubresaut dans le secteur privé. Comme l’a noté un délégué, si les quatre mesures énoncées dans la lettre sont mises en œuvre (incorporer la valeur de la nature dans la prise de décisions et la transparence ; éliminer et réorienter toutes les subventions ayant des effets pervers ; aligner tous les flux de financement dans le sens d’un monde à bilan environnemental positif ; et maintenir les empreintes environnementales de la production et de la consommation en deçà des seuils écologiques), cela contribuerait significativement à la réalisation de la plupart des objectifs et cibles du CMB. D’autres interventions remarquées du secteur privé, qui s’est dit favorable à un renforcement des réglementations, vont également dans la bonne direction.
D’autres bonnes nouvelles ont été reçues du côté du Fonds pour l’environnement mondial, du Programme des Nations Unies pour le développement et du Programme des Nations Unies pour l’environnement, qui se sont tous engagés à accélérer les procédures d’octroi des soutiens financiers et techniques aux pays en développement pour la mise en œuvre du CMB, ce qui est absolument central car il n’y a pas de temps à perdre en lourdeurs bureaucratiques.
Les mauvaises nouvelles, quant à elles, viennent essentiellement du fait que tout cet argent est insuffisant. L’édition 2020 du rapport « Financer la nature : combler le fossé du financement mondial de la biodiversité » estime qu’il faudra 700 milliards de dollars par an pour stopper le déclin de la biodiversité. Supprimer toutes les subventions qui, dans les secteurs agricole, de la pêche et des forêts, portent atteinte à la nature, représenterait déjà plus de 500 milliards de dollars. Mais il reste à trouver les 200 milliards qui manquent.
Une participante a dit sans ambages que « nous sommes très loin de ces sommes ». Elle a instamment demandé davantage d’efforts, en faisant remarquer que 700 milliards de dollars par an, cela représente « moins de 1% du PIB mondial » et que les « subventions versées chaque année au secteur des énergies fossiles dépassent les 5 mille milliards de dollars ». Un autre observateur, réfléchissant à cette même question dans le contexte de la pandémie de COVID-19, s’est posé la question en ces termes : si la communauté internationale saisissait l’urgence de la crise de la biodiversité et déployait les fonds et investissements nécessaires comme elle l’a fait pour répondre à la pandémie, le financement serait-il encore un problème ? Mais c’est comme pour le climat, a-t-il déploré, les horizons temporels sont trop longs, ils dépassent les échéances électorales, et c’est ce qui rend beaucoup plus difficile de prendre de réels engagements financiers.
Le CMB, à moitié vide ou à moitié plein ?
Le CMB est en train de prendre de l’élan et, à bien des égards, on peut le voir à moitié plein. Le « 30-pour-30 » et d’autres cibles prennent de l’ampleur petit à petit ; les gouvernements prennent des engagements, notamment financiers ; le secteur privé affiche de plus en plus son soutien ; et l’effervescence politique s’accroît, tout comme le sentiment d’urgence.
D’un autre côté, le CMB est à moitié vide. Le niveau d’ambition n’est pas assez élevé et il n’est pas certain que les questions sensibles, comme les subventions, seront intégrées dans le texte final. En outre, les moyens de mise en œuvre ne sont ni appropriés, ni prévisibles, ni garantis. Un délégué a noté qu’afin de mettre en œuvre les solutions intégrales et holistiques requises dans le CMB, il faut entreprendre la restructuration du système de gouvernance environnementale dans son ensemble, en poursuivant des objectifs et des visions communes, en adoptant des programmes de travail étroitement interconnectés, et en prévoyant des moyens partagés de mise en œuvre.
Personne ne sait ce qui va se passer dans les six prochains mois, et rien n’est gravé dans le marbre. Les négociations et décisions prises dans les prochains mois vont définir le chemin que l’humanité va suivre pendant la prochaine décennie. Mais, comme l’a remarqué un observateur, pour ce qui nous a été donné à voir jusqu’ici, il n’y a aucune raison d’être trop optimistes, que ce soit en termes d’ambition ou de mise en œuvre.
Il revient désormais à ceux qui prennent les décisions, et à ceux qui influencent ces décisions, de modifier cette pénible réalité.