La première session de la réunion plénière sur la Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) s’est réunie pour la quatrième journée de délibérations, à Nairobi, Kenya. Les discussions de la matinée ont porté sur les questions juridiques relatives à la création de la Plate-forme ainsi que sur les fonctions et structure des organes possibles à créer. Le groupe des Amis du président sur l'adhésion à la Plate-forme et le règlement intérieur a repris ses travaux à l’heure du déjeuner.
Dans les séances de l'après-midi et de la soirée, les délégués ont repris les discussions sur les fonctions et structure des organes qui pourraient être créés au titre de l’IPBES, ainsi que sur le processus et les éléments de sélection de l'institution hôte et du lieu de résidence du secrétariat.
LES MODALITES ET DISPOSITIONS INSTITUTIONNELLES POUR UNE IPBES
LES QUESTIONS JURIDIQUES RELATIVES À LA CRÉATION DE LA PLATE-FORME: Le BRESIL, appuyé par le CHILI, la COLOMBIE, le MEXIQUE et d'autres, a souligné que l'IPBES est déjà établie et que les Etats souverains ne devraient pas être freinés par les avis juridiques du Conseil juridique de l'ONU. L'EGYPTE, au nom du Groupe africain, appuyé par la BOLIVIE et d'autres, a indiqué avoir hâte de voir l’IPBES être établie conformément à des procédures appropriées, telles que le cadre d’une résolution de l’Assemblée Générale (AG) de l'ONU. Ils ont fait état des démarches appropriées à entreprendre pour résoudre cette question à la deuxième réunion plénière et pour l’établissement de l’IPBES au sein du système de l’ONU.
La NORVEGE, appuyée par la SUISSE, les ETATS-UNIS, la BARBADE, FIDJI, l'UE et ses États membres, la THAILANDE et l'ARGENTINE, a appuyé l'établissement de l’IPBES dès que possible, par une résolution de la plénière de l’IPBES déclarant que la Plate-forme est établie et que la plénière actuelle est transformée en première séance plénière de la Plate-forme. D’autres pays ont, cependant, préféré l'établissement de l’IPBES en tant qu’organisme intergouvernemental indépendant, assorti d’une approbation possible, mais pas obligatoire, de l'Assemblée générale de l’ONU. Les ETATS-UNIS ont considéré que la seule limitation est le fait que le PNUE ait convoqué cette plénière, précisant que cela ne doit pas préjuger des décisions sur sa structure finale et son indépendance par rapport aux institutions qui fourniront les services de secrétariat. Le délégué des PHILIPPINES a souligné que cette plénière, en tant que réunion plénipotentiaire, a le pouvoir d'établir l’IPBES en vertu du droit international et qu’elle devrait le faire dès que possible. Le BRESIL et l'UE et ses Etats membres ont déclaré que les gouvernements avaient le droit souverain d'interpréter les documents et de décider de la marche à suivre.
Le JAPON et l'INDE ont appuyé la création de l'IPBES dans les meilleurs délais, laissant aux chefs de secrétariat des institutions choisies le soin d’établir la Plate-forme. Les ETATS-UNIS ont souligné que les différents points de vue rendent compte de divergences plutôt politiques que juridiques. Le conseiller juridique du PNUE a déclaré que la transformation d’institutions intergouvernementales extérieures à l'ONU en organes de l'ONU est possible. Le délégué des PHILIPPINES a suggéré aux délégués d'envisager la création immédiate de l'IPBES, avec considération possible de sa transformation en un organe de l'ONU dans l'avenir. Le MEXIQUE a approuvé, citant l'exemple de l'Agence internationale de l'énergie atomique, qui a, maintenant, des accords avec l'ONU sur, entre autres, des régimes conjoints de retraite pour le personnel. Le GHANA a mis en garde les délégués de ne pas précipiter l'établissement de l’IPBES sans tenir compte du temps et du processus requis pour sa transformation en un organe de l'ONU.
FONCTIONS ET STRUCTURES DES ORGANES A CREER: Les membres du bureau de la plénière: Au sujet de la nomination et sélection des membres du bureau, les délégués ont, suite à une demande des Etats-Unis, appuyé par le BRESIL, accepté de prendre en compte la parité homme femme dans la sélection des membres du bureau. Les ETATS-UNIS ont également souligné l'importance de l'équilibre entre les disciplines scientifiques.
Fonctions des président et vice-président: S’agissant du président, les délégués ont convenu, après délibération, que ses fonctions soient définies comme indiqué dans le règlement intérieur et être dirigées par la plénière. Les délégués ont également décidé : de conserver la fonction de "représentant de la plate-forme"; de rejeter une proposition de l'UE et ses Etats membres d’inclure des activités de sensibilisation et de communication; et de supprimer la référence à d'autres fonctions qui dépendent de l'établissement des organes subsidiaires.
Au sujet des fonctions des vice-présidents, les ETATS-UNIS ont déclaré, et les délégués ont approuvé, que celles-ci devraient être déterminées de la même manière que les fonctions du président. Les délégués ont également convenu : que les vice-présidents devraient participer aux travaux du bureau; que présider les réunions des organes subsidiaires n'est pas une fonction de vice-présidents; de souligner, dans le règlement intérieur, que les vice-présidents agissent au nom du président, "selon ce qu’il convient"; et de supprimer la référence à la conduite d'activités de sensibilisation et de communication et d'autres fonctions dépendant des organes subsidiaires.
Au sujet des lignes directrices encadrant la nomination et la sélection des présidents et vice-présidents, les délégués ont convenu de supprimer la référence à l'expérience dans le domaine de l’évaluation et à la capacité de représenter la plate-forme à tous les niveaux.
Les organes subsidiaires de la plénière: La CHINE a demandé des éclaircissements sur la relation entre les organes subsidiaires et la plénière, et a souligné que les principales fonctions des organes subsidiaires consistent à soutenir le bon fonctionnement de la plate-forme. L’AUSTRALIE a suggéré de supprimer la référence à la supervision administrative et scientifique. Les ETATS-UNIS y ont fait objection. L’AFRIQUE DU SUD a souligné que les organes subsidiaires devraient faciliter les opérations de la plate-forme; KIRIBATI a souligné l’importance de la mise en opération de la Plate-forme "en temps opportun"; et la CHINE a ajouté que les organes subsidiaires assurent la supervision "comme décidé par la plénière". L'UICN, au nom des OSC, soutenue par le Ghana, a demandé aux gouvernements d’envisager un mécanisme pour la réception de la contribution des parties prenantes non gouvernementales, lors de l’examen des fonctions des organes subsidiaires.
Dans la soirée, les parties ont examiné le texte portant sur les fonctions et structures des organes qui pourraient être établies au titre de l’IPBES. Après délibérations, les délégués ont décidé de renommer le chapitre consacré à la forme et aux fonctions des organes subsidiaires "fonctions administratives et scientifiques pour la facilitation du travail de la plate-forme", et de reporter la décision concernant le point de savoir si les organes subsidiaires, le Bureau ou le Secrétariat effectueraient ces fonctions.
Les délégués ont examiné ces fonctions et ont convenu: de placer entre crochets l'approbation des demandes présentées par les organisations observatrices jusqu’à la clarification des questions d'adhésion; d’attribuer le suivi de la performance du secrétariat à la plénière; et de décrire la fonction concernant les ressources financières comme étant l'examen de la gestion des ressources et du respect des règles de gestion financière, et de garder, de même, cette formulation entre parenthèses.
En ce qui concerne les fonctions scientifiques et techniques des organes subsidiaires, les ETATS-UNIS, contrés par le CHILI, ont appelé à l'élimination de la fourniture de conseils en matière de communication comme fonction d'un organe subsidiaire. Le président a suggéré à la place et lieu de cela, un point à part soulignant son importance. L'AUSTRALIE a déclaré que l'élaboration d'une liste des contributeurs au programme de travail découragerait les contributions de nouveaux chercheurs. L'UE et ses Etats membres ont suggéré d'inclure d'autres types de connaissances, d’autres parties prenantes outre les scientifiques et la prise en considération d'une diversité de disciplines, et les délégués ont décidé de replacer ces éléments entre crochets.
Le BRESIL, avec d'autres, contré par les ETATS-UNIS et l'UE et ses États membres, a proposé l’insertion d’un paragraphe supplémentaire portant sur la facilitation du transfert de technologie conformément au programme de travail de la Plate-forme. Le paragraphe a été placé entre crochets. La NORVEGE, appuyée par le PEROU et le MEXIQUE, a introduit un paragraphe supplémentaire portant sur la fourniture de directives concernant la manière d'utiliser les savoirs autochtones et locaux dans l'interface science-politique. Les ETATS-UNIS ont proposé d'explorer des méthodologies permettant l’intégration de différents systèmes de connaissance. Le JAPON a suggéré d’intégrer ce point dans le programme de travail relatif à la production de connaissances. Les délégués ont convenu que les organes subsidiaires devraient étudier les voies et moyens de prendre en compte différents systèmes de connaissance dans l'interface science-politique.
Le secrétariat: le BRESIL a suggéré que le secrétariat devrait également servir les organes subsidiaires. Les ETATS-UNIS ont proposé de supprimer les fonctions de soutien. Le BRESIL a proposé de supprimer les références à l’exercice des fonctions de secrétariat sous la direction de la plénière. La formulation a finalement été retenue dans le paragraphe introductif. Cette partie du texte a été adoptée avec des amendements mineurs.
PROCESSUS ET CRITÈRES DE SÉLECTION DE L’INSTITUTION HOTE ET DU LIEU DE RESIDENCE DU SECRETARIAT: L'après-midi, les délégués se sont réunis de nouveau pour reprendre les discussions sur les processus et critères de sélection de l'institution hôte et du lieu de résidence du secrétariat.
Processus proposé pour l’invitation des institutions à signifier leur intérêt: L'UE et ses Etats membres, avec l'Ouganda, et contrés par les ETATS-UNIS et le BRESIL, ont mis en garde contre la limitation de l'invitation aux quatre institutions de parrainage de l'IPBES, à savoir, l'UNESCO, le PNUD, la FAO et le PNUE.
Processus proposé pour l'examen des propositions: Le BRESIL a proposé un texte reflétant que le Bureau plutôt "transmettra" que «diffusera» les offres des institutions intéressées à tous les gouvernements. L’AFRIQUE DU SUD a déclaré que les offres doivent être transmises aux gouvernements plutôt en vue de prendre des "décisions" qu’en vue de formuler des "recommandations" sur les institutions d’accueil du secrétariat.
Éléments à examiner dans le choix de l'emplacement physique du secrétariat: L'AUSTRALIE, appuyée par la THAILANDE et contrée par l'AFRIQUE DU SUD et la REPUBLIQUE DU SUD, a demandé que la représentation diplomatique soit fondée plutôt sur un pays que sur une ville. La REPUBLIQUE DE COREE et le BRESIL ont indiqué que la présence d'institutions internationales liées à la biodiversité et aux écosystèmes n'a pas de conséquence sur les fonctions du secrétariat. La SUISSE, l’AFRIQUE DU SUD, le KENYA et le Mexique se sont opposés à sa suppression.
Le KENYA, avec l'EGYPTE, a fait objection à l'élément consacré à la sécurité, le Ghana indiquant que le danger survient partout. Le BRESIL a déclaré que si cela avait à faire avec "le confort" du secrétariat, alors d'autres éléments, comme les conditions météorologiques extrêmes et les grèves fréquentes, s'appliqueraient également. Les délégués ont décidé de supprimer cet élément.
Le KENYA a déclaré que l'élément concernant l'expérience du pays et son engagement en faveur de la conservation et de l'utilisation durable des services de la biodiversité et des écosystèmes est subjectif et qu’il ne saurait avoir une quelconque influence sur les fonctions du secrétariat.
Processus proposé pour l'invitation à la soumission de propositions concernant le lieu de résidence du secrétariat: L'UE et l'AUSTRALIE ont proposé de faire passer la longueur des demandes de 10 à 20 pages. Le MEXIQUE a suggéré, et les délégués ont accepté, 15 pages. Le MEXIQUE, contré par l’AFRIQUE DU SUD, a demandé au Bureau de fournir un modèle. La THAILANDE a demandé l'insertion d'un libellé indiquant la possibilité, pour les gouvernements, de soumettre des offres conjointes ou individuelles.
Les délégués ont convenu que seuls les résumés des demandes seront traduits dans les langues de l'ONU. Le CHILI a déclaré que les gouvernements devraient considérer ces offres en vue de plutôt prendre "une décision" que formuler des "recommandations" concernant le lieu de résidence du secrétariat.
LES QUESTIONS D'ORGANISATION
Le président Watson a demandé aux délégués d'examiner la possibilité de tenir des travaux intersessions et des thèmes possibles. Le JAPON a appuyé la tenue de travaux intersessions et a déclaré que l’expertise d'institutions universitaires est également requise. Le BRESIL a souhaité en savoir davantage sur la manière dont les résultats de la réunion seront rendus et si les délégués allaient adopter un rapport. Le Secrétariat a fait état de la possibilité de produire un rapport de procédure, assorti d’une annexe qui pourrait contenir les accords conclus et des réflexions sur les discussions menées durant la session plénière. Le président Watson a indiqué que les délégués seront invités à adopter un rapport qui sera disponible dans les langues officielles de l'ONU.
DANS LES COULOIRS
A la séance plénière du matin, de nombreux délégués ont semblé apprécier la discussion sur les questions juridiques liées à la création de l'IPBES, des discours éloquents ayant porté sur la valeur des avis juridiques et sur la primauté de la souveraineté des Etats dans la création du droit international. Dans les couloirs, certains participants se sont plaints que les options présentées n’étaient pas toutes légalement rationnelles ou politiquement viables, que la souveraineté étatique ne remplaçait pas la nécessité d'une forte adhésion de l’institution d'accueil au processus de création et que les questions clés se résument à l'absence de consensus sur l’idée que l'IPBES est déjà établie et sur la nécessité d'avancer. Sur une note différente, la décision prise par l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), de soutenir la candidature de la Palestine à la pleine adhésion à l'Organisation a contribué à l’émergence de tensions politiques dans le débat sur l'ouverture de l'adhésion de la Plate-forme aux membres des institutions spécialisées de l'ONU.
COMPTE RENDU FINAL DU ENB: Le numéro du Earth Negotiations Bulletin consacré au compte rendu final et analyse de l'IPBES-1 sera disponible en ligne dès le lundi 10 octobre 2011 à l'adresse: http://enb.iisd.org/ipbes/sop1/ |