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CONVENTION SUR LA DIVERSITÉ BIOLOGIQUE
GÉNÉRALE Distr.
UNEP/CBD/COP/3/7
22 septembre 1996
FRANÇAIS
Original : Anglais
[TEXTE DISTRIBUÉ À L'AVANCE]
CONFERENCE DES PARTIES À LA CONVENTION
SUR LA DIVERSITÉ BIOLOGIQUE
Troisième réunion
Buenos Aires (Argentine)
Du 4 au 15 novembre 1996
Point 6.3 de l'ordre du jour provisoire
1. MANDAT ET PORTÉE
1. Dans le paragraphe 9 de sa décision II/6, la Conférence des Parties a demandé au Secrétariat, entre autres choses, « d'étudier les caractéristiques spécifiques des activités relatives à la diversité biologique afin de permettre à la Conférence des Parties de soumettre aux institutions de financement des suggestions qui auraient pour but de mieux adapter leurs activités dans le domaine de la diversité biologique aux dispositions de la Convention ».
2. Le rapport intitulé « Disponibilité de ressources financières supplémentaires » (UNEP/CBD/COP/3/7) mentionne que l'Aide publique au développement consacrée aux projets relatifs à la diversité biologique diminue depuis 1993. Ce rapport suggère que cette diminution peut notamment s'expliquer par la difficulté de concevoir et de mettre en oeuvre avec succès des projets relatifs à la diversité biologique. On y note aussi que, en l'absence de ressources nouvelles et supplémentaires, les Parties pourraient envisager des moyens de mieux adapter les ressources financières existantes aux objectifs de la Convention.
3. La présente Note est structurée comme suit. La section 2 décrit quelques questions relatives au financement des projets dans le domaine de la diversité biologique. La section 3 énumère les caractéristiques spécifiques de la diversité biologique qui distinguent ce domaine des projets traditionnels financés par des donateurs. La section 4 traduit ces caractéristiques spécifiques en principes qui peuvent servir de lignes directrices pour la conception des projets dans le domaine de la diversité biologique. La section 5 présente les recommandations de la COP.
2. CONTEXTE
4. Tout investissement dans des programmes de gestion de la diversité biologique, qu'ils visent la conservation, l'utilisation durable ou le partage équitable des avantages, doit prendre en compte plusieurs caractéristiques qui différencient la diversité biologique des autres aspects du patrimoine national. On peut considérer que les services que rendent les ressources de la diversité biologique font partie du patrimoine national ; plusieurs des avantages qu'elles offrent prennent la forme de biens publics. Dans la perspective d'une approche écosystémique de la gestion de la diversité biologique, les fonctions écologiques et la résilience écologique de la diversité biologique sont de bons exemples de ce type de biens publics.
5. Les projets d'infrastructure traditionnels, qui reçoivent la majeure partie de l'assistance étrangère, sont moins complexes que les projets de gestion durable de la diversité biologique. Les avantages qu'ils représentent en termes de biens publics sont plus évidents; il est plus facile d'en évaluer les coûts et de prévoir les matériaux dont on a besoin. De plus, ces projets sont moins essentiels au fonctionnement d'un pays. Si un projet d'infrastructure peut améliorer le système de transport, les communications ou les services publics d'un pays, par exemple, la diversité biologique constitue le fondement même de la société. Les fonctions écologiques comme les cycles hydrologiques, la médiation des flux d'énergie aux différents niveaux trophiques, la composition et la qualité des sols et des minéraux sont en quelque sorte les éléments vitaux de la société.
6. Le maintien des avantages de ces fonctions biologiques dépend des décisions prises par un grand nombre de personnes et d'organisations couvrant un large éventail dans le temps et l'espace. Par conséquent, les projets relatifs à la diversité biologique peuvent intégrer une gamme d'activités variées pour lesquelles il est difficile de déterminer des priorités d'action. Par exemple, la gestion des ressources naturelles et biologiques par les communautés locales peut revêtir la même importance que l'élaboration de stratégies nationales relatives à la diversité biologique ou l'introduction de droits de propriété intellectuelle sur les ressources génétiques.
7. Des expériences récentes démontrent
qu'il est très difficile de concevoir et de mettre en place
des projets de gestion de la diversité biologique. Les
projets relatifs à la diversité biologique entraînent
des transformations dans la façon dont les êtres
humains interviennent sur leur environnement et utilisent les
ressources naturelles, ce qui nécessite souvent de modifier
des comportements et des traditions qui existent depuis longtemps
et sont donc protégés par la loi ou la coutume sociale
et appuyés par de puissants groupes sociaux. La transformation
des interactions entre l'humain et l'environnement est un processus
à long terme qui entraîne de lourdes contraintes
pour la conception et la mise en place des projets.
CARACTÉRISTIQUES SPÉCIFIQUES DE LA DIVERSITÉ BIOLOGIQUE
8. La présente section décrit un système de classification des attributs qui distinguent la diversité biologique des autres biens publics ; ce système servira de base à un ensemble de principes destinés à guider les institutions de financement.
9. Des études récentes ainsi que les données recueillies par les projets sur le terrain, par des organismes donateurs et par des gouvernements récipiendaires portent à croire que la diversité biologique démontre les caractéristiques spécifiques suivantes, dont il faut tenir compte dans la conception des projets et des programmes :
3.1 Contraintes temporelles de la dynamique écologique
10. Les processus écologiques se déroulent sur des périodes de temps très variables et souvent très longues. Par conséquent, un même projet relatif à la diversité biologique peut nécessiter la gestion de plusieurs processus écologiques de durées différentes.
3.2 Structure et fonction hétérogènes de la diversité biologique
11. La diversité biologique se caractérise par « le chevauchement des écosystèmes, l'interdépendance de fonctions multiples, la présence de millions d'espèces et d'attributs encore plus nombreux ». L'exécution des fonctions écologiques dépend du maintien de la résilience de l'écosystème. Par « résilience », on entend la capacité d'un écosystème d'absorber des stress (comme une doline pour les déchets ou une source de biens et de services) et de continuer de livrer des avantages. Présentement, nos connaissances en écologie donnent à penser que la résilience dépend de la diversité des organismes et l'hétérogénéité des fonctions écologiques.
3.3 Incertitude au sujet de l'état, des tendances et de la valeur de la diversité biologique
12. Les fonctions écologiques des éléments constitutifs de la diversité biologique sont très mal connues, ce qui est évident lorsqu'on considère que seulement 10 % des espèces vivantes de la planète ont été inventoriées à ce jour. On comprend mal les interactions entre la diversité biologique et les changements provoqués par les êtres humains dans la biosphère, y compris les effets d'investissements bénéfiques. De plus, il n'est pas possible d'évaluer avec certitude la valeur de la diversité biologique (UNEP/CBD/SBSTTA/2/13), ce qui ne donne pas de base solide pour l'élaboration d'une stratégie d'investissement. Par conséquent, les projets relatifs à la diversité biologique doivent se réaliser dans une atmosphère d'incertitude profonde par rapport à leur rendement potentiel et à leur impact sur l'écologie.
3.4 L'irréversibilité des pertes de la diversité biologique
13. Une fois que l'on franchit un seuil spécifique mais souvent inconnu, la perte de la diversité biologique est irréversible. Le franchissement du seuil risque de générer un changement irréversible dans la résilience de l'écosystème, ce qui aurait un effet négatif sur la capacité de charge de la Terre en plus de réduire le nombre d'options disponibles pour les générations futures et d'accroître l'incertitude associée aux effets des activités économiques sur l'environnement.
3.5 La complexité des causes et des processus qui provoquent la dégradation et la perte de la diversité biologique
14. La dégradation des ressources de la diversité biologique provient de sources très variées, mettant en cause des décisions prises par une multitude de personnes et d'organismes. On cite souvent comme facteurs immédiats la surexploitation (chasse et récolte), l'introduction d'espèces exotiques qui font concurrence aux espèces indigènes, la destruction des habitats, ou une combinaison de ces facteurs (cf. UNEP/CBD/COP/3/12). L'identification des forces qui entraînent une perte de la diversité biologique ou qui en constituent les causes sous-jacentes soulève la discussion ; ces forces peuvent comprendre une grande variété de facteurs économiques et démographiques. Par conséquent, il est difficile de cibler exactement les causes sous-jacentes de cette dégradation par des mesures visant à y remédier ou, à tout le moins, à la ralentir.
15. Bien que cette liste des caractéristiques de la diversité biologique qui la distingue des projets traditionnels ne soit pas exhaustive, elle donne quand même un aperçu de la complexité des questions à considérer dans la conception et la mise en oeuvre des projets relatifs à la diversité biologique.
16. L'intégration de ces caractéristiques spécifiques aux lignes directrices pour les projets de gestion de la diversité biologique sera un processus sera difficile qu'on ne pourra améliorer que par l'expérience, l'évaluation, l'expérimentation et le partage des résultats. La section qui suit propose un ensemble de principes préliminaires qui ont pour objectif d'aider la COP à préparer les lignes directrices pour que les activités des institutions de financement s'adaptent mieux aux dispositions de la Convention.
4. PRINCIPES POUR L'ORIENTATION DES INSTITUTIONS DE FINANCEMENT
17. L'efficacité du financement de la gestion de la diversité biologique dépendra de la mesure dans laquelle les institutions donatrices pourront intégrer les caractéristiques spécifiques énumérées plus haut à leurs décisions d'investissement. Les principes qui suivent, dont le but est d'orienter la conception des projets relatifs à la diversité biologique, s'appliquent à toute institution de financement, y compris les institutions bilatérales, multilatérales, le Fonds pour l'environnement mondial et les ONG.
18. Les articles 20 et 21 décrivent le cadre dans lequel les Parties s'engagent à fournir des ressources financières pour assurer aux Parties qui sont des pays en voie de développement les moyens d'assumer les surcoûts convenus occasionnés par la mise en oeuvre des mesures qui répondent aux dispositions de la Convention. Comme le stipule l'article 21, paragraphe 4 : « Les Parties contractantes envisagent de renforcer les institutions financières existantes pour qu'elles fournissent des ressources financières en vue de la conservation et de l'utilisation durable de la diversité biologique. » Non seulement l'article 20 prévoit que les Parties qui sont des pays développés fournissent des ressources financières supplémentaires, mais il identifie de plus des termes clés destinés à guider les Parties dans le respect de leurs obligations dans le cadre de la Convention, notamment que ces engagements tiendront compte, entre autres : (a) du besoin de rentrées de fonds suffisantes, prévisibles et ponctuelles ; (b) du fait que le développement économique et social et l'élimination de la pauvreté sont les priorités premières et absolues des récipiendaires ; et (c) des conditions spéciales qui résultent de la répartition et de la localisation de la diversité biologique sur le territoire des Parties qui sont des pays en développement et de leur dépendance par rapport à cette diversité, en particulier dans le cas de petits États insulaires. Chacun de ces termes clés, lorsqu'on les applique aux caractéristiques spécifiques de la diversité biologique, peut se traduire par plusieurs lignes directrices. On peut donc considérer ces principes ou lignes directrices comme un enrichissement des concepts exprimés à l'article 20.
19. Le tableau 1 illustre la relation entre les principes suivants et chacune des caractéristiques de la diversité biologique :
Contraintes temporelles de la dynamique écologique |
|
Hétérogénéité des ressources de la diversité biologique |
|
Incertitude quant à l'état, aux tendances et à la valeur de la diversité biologique |
|
Complexité des facteurs menaçant la diversité biologique |
|
Irréversibilité de la perte ou de la dégradation de la diversité biologique dues au franchissement du seuil de non-retour |
|
4.1 Suffisance, ponctualité et prévisibilité des fonds (Article 20, alinéa 2):
4.1.1 Durée prolongée
20. Le mûrissement des projets fondés sur le fonctionnement des cycles biologiques peut durer plus longtemps que dans le cas de projets plus conventionnels. Les contraintes temporelles imposées par les processus écologiques et l'incertitude quant à la dynamique des écosystèmes exigent que les projets relatifs à la diversité biologique bénéficient d'un mûrissement prolongé. De plus, comme ces projets mettent en jeu la gestion de ressources hétérogènes (espèces, fonctions, etc.) menacées par des facteurs variés et complexes, un succès rapide est peu probable. La réussite d'un projet de gestion de la diversité biologique nécessite sans doute qu'on prenne le temps d'adopter une approche de gestion adaptative.
4.1.2 Adaptation du cycle du projet
21. Il est souhaitable d'adapter les cycles de projets en déboursant moins d'argent au début et davantage plus tard, de préférence sur une période plus longue. Cette structure de déboursement permet d'adapter les paramètres du projet au fur et à mesure que l'on comprendra ses effets sur les interactions entre humains et environnement. Pour répondre à l'incertitude au sujet des processus écosystémiques et pour bien intégrer la complexité de la gestion des interactions entre humains et environnement, il faut donner aux projets la capacité financière d'appliquer les leçons tirées de l'expérience.
4.1.3 Dimensions appropriées
22. Un projet de gestion durable de la diversité biologique peut toucher à plusieurs composantes du système économique-écologique. Pour tenir compte des aspects multiples de la gestion de la diversité biologique, les projets d'envergure doivent être suffisamment flexibles pour intégrer une multiplicité d'éléments distincts mais reliés entre eux. Il faut intégrer les projets à champ d'action restreint à ceux qui on plus d'envergure et aux stratégies régionales et nationales. Il n'y a pas de règle générale concernant les dimensions optimales d'un projet, à part le fait que tout projet devrait être multidimensionnel et chercher à traiter (tout seul ou conjointement avec d'autres initiatives) la variété des aspects humains et écologiques de la gestion durable de la diversité biologique.
4.1.4 Évaluation fondée sur des critères multiples
23. Le caractère hétérogène des ressources de la diversité biologique et la complexité des menaces font que, pour connaître le succès, les projets devront répondre à des objectifs multiples. La réalisation d'une gestion durable de la diversité biologique sur un territoire spécifique exige que le projet tienne compte simultanément d'un ensemble de facteurs menaçant une variété de ressources biologiques. De plus, la réussite d'un projet de gestion de la diversité biologique doit s'exprimer par des effets positifs sur au moins deux fronts : les collectivités et les ressources biologiques elles-mêmes. La réussite peut présenter de multiples facettes, notamment par rapport à l'évaluation des conditions humaines et de la situation sociale.
4.2 La reconnaissance du développement économique et social et l'élimination de la pauvreté comme priorités premières et absolues des pays en voie de développement (article 20, paragraphe 4)
4.2.1 Intégration aux stratégies nationales
24. Comme on peut attribuer la dégradation et la perte de la diversité biologique à de nombreuses causes sous-jacentes, tant à l'échelle locale que nationale ou internationale, les projets relatifs à la diversité biologique doivent s'intégrer à d'autres initiatives de conservation et d'utilisation durable pour être efficaces. À cette fin, il est souhaitable que les institutions donatrices cherchent à intégrer les objectifs nationaux de gestion de la diversité biologique à leurs programmes de financement relatifs à la diversité biologique.
4.2.2 Formation et renforcement des capacités
25. Puisque la qualité durable de programmes de gestion de la diversité biologique dépend des décisions prises par des habitants d'un territoire, qui en utilisent les ressources, il est conseillé aux institutions donatrices d'inclure la formation locale et le renforcement des capacités comme des éléments importants de leurs projets.
4.3 Conditions spéciales résultant de la distribution et de la localisation de la diversité biologique sur le territoire des Parties qui sont des pays en voie de développement et de leur dépendance (article 20, paragraphe 6)
4.3.1 Recours à une approche prudente
26. Étant donné l'étendue de l'incertitude scientifique et la possibilité de pertes irréversibles, la prudence est conseillée aux institutions de financement lorsqu'elles allouent des fonds à des projets relatifs à la diversité biologique. Les exigences d'une approche prudente comprennent la nécessité de réagir adéquatement aux menaces dès qu'elles se présentent. Pour ce faire, il faut encore une fois assurer tout un flot d'information sur les menaces et disposer d'un mécanisme de détermination des priorités d'action.
4.3.2 Tolérance aux risques
27. Les résultats de tout projet de gestion de la diversité
biologique sont très incertains en raison de notre méconnaissance
de la dynamique des écosystèmes et de la complexité
des menaces. Il est conseillé aux institutions donatrices
de ne pas exiger de résultats stricts par rapport aux effets
financiers ou sociaux des projets relatifs à la diversité
biologique. Même si la majeure partie de l'aide qui vise
la diversité biologique provient de subventions ou de prêts
à conditions avantageuses, les institutions donatrices
demandent une mesure ou des indicateurs de la réussite
des projets. Dans le cas des projets relatifs à la diversité
biologique, il peut être difficile d'obtenir des indicateurs
de réussite à court terme, ce qui risque de porter
l'organisme prêteur à croire que le projet a échoué
ou produit peu de résultats (au plan social). Il faut encourager
les institutions donatrices à assumer des risques plus
élevés par rapport aux résultats prévus.
Elles devraient aussi faire preuve de plus de patience en attendant
que les résultats se manifestent.
4.3.3 Questions en vue de la mise en oeuvre
28. Il peut arriver qu'un projet soit bien conçu pour produire des changements dans les interactions entre humains et environnement afin de favoriser la gestion durable des ressources biologiques, mais que sa mise en oeuvre impose d'autres exigences. On peut tirer plusieurs leçons des expériences récentes relatives à la mise en oeuvre des projets de gestion de la diversité biologique. Pour réussir, la mise en oeuvre d'un projet exige, entre autres, la présence à l'échelon national d'une politique environnementale qui appuie ses objectifs, la participation des intervenants dans la conception et la mise en oeuvre du projet, ainsi que la surveillance et l'évaluation continues (Banque mondiale 1995).
5. RECOMMANDATIONS
29. Dans le cadre de ses efforts pour orienter les activités des institutions de financement afin de mieux les adapter aux dispositions de la Convention, la COP pourrait :
(a) recommander un ensemble de principes semblables à ceux décrits dans la présente Note, afin d'orienter les activités des institutions de financement relatives à la diversité biologique;
(b) compiler des données sur les approches novatrices et les projets qui intègrent bien les caractéristiques spéciales de la diversité biologique; et
(c) demander au Secrétaire exécutif d'élaborer davantage la définition de ces caractéristiques et principes de concert avec les institutions de financement et d'autres organismes intéressés.